Déjeuner chez Blum. Jaurès a l'aspect d'un professeur de quatrième qui ne serait pas agrégé et ne prendrait pas assez d'exercice, ou du gros commerçant qui mange bien.
De taille moyenne, carré. Une tête assez régulière, ni laide, ni belle, ni rare, commune. Beaucoup de poil, mais ce n'est que de la barbe et des cheveux. Un nerveux clignement de paupière à l’œil droit. Col droit, et cravate qui remonte.
Une intelligence très cultivée. Les quelques citations que je fais, auxquelles je ne tiens pas beaucoup, il ne me laisse même pas les achever. A chaque instant, il fait intervenir l'histoire ou la cosmogonie. une mémoire d'orateur toute pleine, étonnante.
Crache volontiers dans son mouchoir.
Je ne sens pas une forte personnalité. Il me fait plutôt l'impression d'un homme dont le bulletin pourrait être ainsi rédigé: "Bonne santé sous tous les rapports."
A une de ses plaisanteries, il rit trop, d'un rire qui descend des marches et ne s'arrête qu'à terre.
L'accent: un bizarre dédain pour le c d' "avec". La parole lente, grosse, un peu hésitante sans nuances.
Évidemment, il faudrait voir l'acteur qui est dans cet orateur. Et puis, je vis, par la pensée, avec des hommes trop grands pour que celui-là m'étonne.
- Faire un discours ou écrire un article, pour moi, c'est à peu près la même chose dit-il
Je lui demande ce qu'il préfère de l'exactitude d'une phrase, ou de la beauté poétique d'une image.
- L'exactitude, répond-il.
L'homme qui l'a le plus frappé comme orateur, c'est Freycinet.
Il lui est plus facile de parler dans une réunion publique qu'à la chambre, que de faire une conférence. Où il a été le plus mal à l'aise, c'est à la cour d'assises où il défendait Gérault-Richard.
En religion il paraît assez timide. Il est gêné quand on aborde cette question. Il s'en tire par des "je vous assure que c'est plus compliqué que vous ne croyez". Il a l'air de penser que c'est un mal nécessaire, et qu'il faut en laisser un peu. Il croit que le dogme est mort et que le signe, la forme, la cérémonie, sont sans danger.
D'après Léon Blum, il se sépare de Guesde comme tacticien. Socialiste de gouvernement, il croit aux réformes partielles. Guesde n'admet que la révolution complète.
Je ne sens pas une forte personnalité. Il me fait plutôt l'impression d'un homme dont le bulletin pourrait être ainsi rédigé: "Bonne santé sous tous les rapports."
A une de ses plaisanteries, il rit trop, d'un rire qui descend des marches et ne s'arrête qu'à terre.
L'accent: un bizarre dédain pour le c d' "avec". La parole lente, grosse, un peu hésitante sans nuances.
Évidemment, il faudrait voir l'acteur qui est dans cet orateur. Et puis, je vis, par la pensée, avec des hommes trop grands pour que celui-là m'étonne.
- Faire un discours ou écrire un article, pour moi, c'est à peu près la même chose dit-il
Je lui demande ce qu'il préfère de l'exactitude d'une phrase, ou de la beauté poétique d'une image.
- L'exactitude, répond-il.
L'homme qui l'a le plus frappé comme orateur, c'est Freycinet.
Il lui est plus facile de parler dans une réunion publique qu'à la chambre, que de faire une conférence. Où il a été le plus mal à l'aise, c'est à la cour d'assises où il défendait Gérault-Richard.
En religion il paraît assez timide. Il est gêné quand on aborde cette question. Il s'en tire par des "je vous assure que c'est plus compliqué que vous ne croyez". Il a l'air de penser que c'est un mal nécessaire, et qu'il faut en laisser un peu. Il croit que le dogme est mort et que le signe, la forme, la cérémonie, sont sans danger.
D'après Léon Blum, il se sépare de Guesde comme tacticien. Socialiste de gouvernement, il croit aux réformes partielles. Guesde n'admet que la révolution complète.
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