BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

jeudi 31 décembre 2015

Journal du 31 décembre 1890

Le duel Leclercq-Darzens, duel-vaccin sur la route. De braves gens, bras croisés, nous regardaient.
- Messieurs, disait Ajalbert, je suis très nerveux, je suis très nerveux. Allez, messieurs, dit-il encore, et faites en gens d'honneur.
Darzens ricanait. Leclercq souriait et tirait un peu au hasard, tandis que son adversaire se servait de son épée comme d'une aiguille, visait la main et avait l'air d'un monsieur qui veut piquer une guêpe sur une feuille de vigne.
- En pensant, me dit Leclercq, que toute cette sale affaire aboutissait à cette piqûre, et que je devais me considérer comme suffisamment vengé des injures de cet homme, j'avais une grande envie de pleurer. Vous êtes furieux, vous, Renard.
Je l'étais, en effet, et, sans vantardise, c'eût été une joie pour moi de m'aligner à mon tour.
- Mais nous sommes des seconds, me dit Paul Gauguin. Pourquoi ne nous battons-nous pas?
Lui aussi était furieux.
Ainsi, voilà deux hommes qui se sont donnés des coups de poing, américains, paraît-il, du côté de Darzens. Ils ont failli s'assommer. Ils se sont vraiment battus, et le point d'honneur - l'honneur qu'il faut satisfaire comme un besoin, les obligeait d'aller ridiculement poser sur la route en face de braves gens gouailleurs, à peine intéressés! C'est grotesque, et dire que je suis tout prêt à être grotesque comme ça!
Le duel est un prétexte à avocasseries, à phrases creuses, à sentences de mirliton. C'est aussi une occasion de boire beaucoup et de ne pas déjeuner. C'est un motif pour faire sortir de leur indifférence quantité d'amis glabres, qui viennent voir le combat comme des hyènes.Ils emporteront chacun un morceau du ridicule qui s'étale en plein air, et le collent en étiquette au nom de leur ami.
J'avais fait un paquet, composé de mes deux épées, d'une couverture et d'un parapluie, si bien réussi que j'aurais été ennuyé s'il m'avait fallu le défaire.

mercredi 30 décembre 2015

Journal du 30 décembre 1903

Elle tousse tout le temps, non par besoin, mais pour faire savoir qu'elle est là.

Incipits

Il pouvait être sept heures du soir. Je sortais du Casino ayant trouvé le moyen de perdre en quelques minutes les billets de banque économisés toute une année en vue de trois semaines de vacances agréables, et j'étais de fort mauvaise humeur.
(Pierre Benoit, Le roi lépreux)

La chambre où j'écris est au troisième étage d'un hôtel du Havre. Elle donne sur un des bassins.
( Tristan Bernard, Aux abois)

Julien dort. Que fait-il? Il ronfle.
(Philippe Soupault,  En joue)

mardi 29 décembre 2015

Journal du 29 décembre 1903

Hervieu avoue qu'il est plus ému que jamais par une première.
- Mais pourquoi rechercher ces émotions?
- Pour avoir des souvenirs, plus tard.
- Mais elles sont toutes les mêmes! Les dernières ne se distinguent pas des premières.
- Elles sont plus fortes: de l'ensemble se dégagera quelque chose de précieux. Ah! c'est un métier où l'on attrape des maladies de coeur et où l'on perd des amitiés.
- Vous faîte allusion à une aventure qui me chagrine. (Sa rupture avec Bernard.)
- Je ne fais allusion à rien. Je parle en général.
Vraiment, ces hommes de si grande valeur me font pitié.  Alors, toute leur vie, c'est des pièces, et encore des pièces? C'est triompher plus que le voisin, encaisser plus que le voisin, et recommencer toujours, toujours? Quand trouvent-ils le temps de regarder à l'horizon?

lundi 28 décembre 2015

Journal du 28 décembre 1889

Écrire un dialogue entre un monsieur qui est en villégiature et connaît la campagne d'après Georges Sand, et un vieux paysan très simple et point chimérique. Le monsieur questionne le paysan sur ses "instruments aratoires", sur sa "chaumine". Les illusions du monsieur poète tombent une à une, cassées aux réponses sèches du bonhomme.

Incipits

Le soleil jetait sur la petite église une lumière acide et glacée. Dans l'air sec, les grondements de la cloche s'envolaient poursuivis par des oiseaux gris.
(Philippe Soupault, Les frères Durandeau)

C'est vers ce temps-là qu'il a commencé à se hasarder jusque dans les rues de la ville, ce qu'il n'aurait pas osé faire auparavant, mais il y avait des choses qui n'étaient pas permises et, à présent, elles l'étaient.
(C.-F. Ramuz, L'amour du monde)

dimanche 27 décembre 2015

Journal du 27 décembre 1906

J'ai une idée comme je regarde un oiseau: j'ai toujours peur qu'elle ne s'envole, et je n'ose pas y toucher.

Incipits

Un hurlement. Un chien renversé et coupé en deux par une automobile.
(Philippe Soupault, Le bon apôtre)

Le 13 décembre 1838, par une soirée pluvieuse et froide, un homme vêtu d'une mauvaise blouse traversa le Pont-au-Change, et s'enfonça dans le dédale de ruelles obscures qui s'étend du Palais de Justice jusqu'à Notre-Dame.
(Eugène Sue, Les mystères de Paris)

Elle souriait si drôlement que je ne pouvais m'empêcher de regarder son visage lunaire et peut-être que, malgré moi,  je répondais à son sourire comme l'on répond à un miroir.
(Philippe Soupault, Les dernières nuits de Paris)

samedi 26 décembre 2015

Journal du 26 décembre 1907

Desgrange. Sa culture m'ayant paru exclusivement physique...

Incipit

- Un article?...tu me demandes s'il y a un article dans mon histoire? Mais, malheureux, un enfant de six ans en ferait une comédie en vers, les yeux bandés!
(Edmond et Jules de Goncourt, Charles Demailly)

vendredi 25 décembre 2015

Journal du 25 décembre 1905

Fin d'année. Notre dernière énergie tombe comme les dernières feuilles.

Incipit

Quelque part en ce monde, il est une philosophe exceptionnelle nommée Florie Rotondo.
(Truman Capote, Prières exaucées)

jeudi 24 décembre 2015

Journal du 24 démbre 1908

Dieu. "Aux petits des oiseaux il donne la pâture", et il les laisse, ensuite, l'hiver, crever de faim.

Incipits

C'était le mois de juin, le soleil du matin sortait des nuages et Alain passait lentement par une rue parisienne.
(Milan Kundera, La Fête de l'insignifiance)

Ce nouvel écolier, cette jeune étudiante n'a jamais vu veau, vache, cochon ni couvée.
(Michel Serres, Petite Poucette)

mercredi 23 décembre 2015

Journal du 23 décembre 1891

Vu, chez Schwob, André Gide, l'auteur des Cahiers d'André Walter. Schwob me présente comme un entêté insupportable.
Si vous ne l'êtes pas, dit Gide d'une voix grêle, vous en avez l'air. 
C'est un imberbe, enrhumé du nez et de la gorge, mâchoires exagérées, yeux entre deux bourrelets. Il est amoureux d'Oscar Wilde, dont je vois la photographie sur la cheminée: un monsieur à la chair grasse, très distingué, imberbe aussi, qu'on a récemment découvert.
Impossible d’avoir  Courteline à dîner. Il dîne tous les soirs dans sa famille.
- Mais, dit Schwob, vous dînez tous les mardis avec Mendès.
- Mendès, c'est encore ma famille, dit Courteline.

mardi 22 décembre 2015

Journal du 22 décembre 1902

On dit d'elle: "C'est une bonne ménagère." Mais Harpagon aussi l'état, bonne ménagère, ce qui ne l'empêchait pas d'être un bien vilain monsieur.

Incipits

Je tiens cette histoire de plusieurs sources, qui m'en ont chacune raconté un fragment, et, comme il arrive généralement dans ces cas-là, c'était chaque fois une histoire différente.
(Edith Wharton, Ethan Frome)

J'ai eu le privilège de choisir, à un moment de ma vie, mon propre prénom.
(François Cheng, Assise)

lundi 21 décembre 2015

Journal du 21 décembre 1900

Cette dragonne de vertu a eu son aventure.
A table, comme elle donne quelque chose à un petit chien, elle sent une main qui tripote la sienne. Elle croit à une erreur. Une seconde fois, elle offre quelque chose au chien, et la même main. Elle est furieuse. Puis, un autre tripotage à la faveur d'une tasse qu'elle présente.
Elle rentre "toute rouge intérieurement". Le lendemain, elle raconte tout à son mari qui lui répond:
- Il devait être saoul.
- Je n'aime pas ça, moi, dit-elle. Je suis un bon garçon. Je ne veux pas que l'on me prenne pour une coquette. Oh! je l'aurais giflé!
Il est coutumié du fait, paraît-il.
- Mais c'est un hommage! lui dis-je.
C'est touchant et drôle, la vertu d'une femme laide. Et le mari répète:
- Pour moi, il était saoul. Sans quoi, je lui aurais dit à notre première rencontre: "Eh! bien, mon vieux, tu en as été pour tes frais."

dimanche 20 décembre 2015

Journal du 20 décembre 1889

Il dressait soigneusement la liste de ceux qui sont arrivés tard, et il se réjouissait de constater que tel contemporain en vogue dépassait la quarantaine. Il se disait: "J'ai bien le temps!"

Incipit

Les mains de joseph sont posées à plat sur ses cuisses. Elles ont l'air d'avoir une vie propre et sont parcourues de menus tressaillements.
(Marie-Hélène Lafon, Joseph)

samedi 19 décembre 2015

Journal du 19 décembre 1905

Je n'ai jamais lu une ligne de M. Bazin, mais je devine ce qu'il vaut, et, si je lisais une page de lui, je dirais: "Je ne me suis pas trompé."

Incipits

La femme allait-elle être condamnée à mort?
(Edmond de Goncourt, La fille Élisa)

J'ai commencé plusieurs fois un journal et ne prends pas au sérieux une nouvelle tentative. seulement je m'ennuie trop.
(Henri Queffélec,  Journal d'un salaud)

Julie de Chaverny était mariée depuis six ans environ, et depuis à peu près cinq ans et six mois elle avait reconnu non seulement l’impossibilité d'aimer son mari, mais encore la difficulté d'avoir pour lui quelque estime.
(Prosper Mérimée, La double méprise)

vendredi 18 décembre 2015

Journal du 18 décembre 1897

Chère madame Félicia-Mallet-dans-son-répertoire, Poil de Carotte vous embrasse, comme c'est son droit.
Il avait un peu peur quand vous vous frappiez si magnifiquement la poitrine.
Il croyait entendre sonner le trousseau des clefs de votre coeur.

Incipits

J'avais toujours soupçonné les géographes de ne pas savoir ce qu'ils disent lorsqu'ils placent le champ de bataille de Munda dans le pays des Bastuli-Poeni, prés de la moderne Monda, à quelques deux lieues au nord de Marbella.
(Prosper Mérimée, Carmen)

La dernière messe venait de finir à Saint-Roch, et le bedeau faisait sa ronde pour fermer les chapelles désertes.
(Prosper Mérimée, Arsène Guillot)

jeudi 17 décembre 2015

Journal du 17 décembre 1902

Maeterlinck. Un grand artiste à qui c'est égal d'ennuyer son lecteur, et qui ne s'arrête pas pour si peu.

Incipits

La petite salle d'attente est morne. Dans un coin, un ficus aux feuilles poussiéreuses. Six fauteuil en plastique se font face sur un lino fatigué.
(Tatiana de Rosnay, Boomerang)

Un soir du mois de mai, vers onze heures, un homme d'une cinquantaine d'années, fort bien fait et de haute mine, descendait d'un coupé dans la cour d'un petit hôtel de la rue Barbet-de-Jouy.
(Octave Feuillet, Monsieur de Camors)

mercredi 16 décembre 2015

Journal du 16 décembre 1906

Éloge funèbre. La moitié de ça lui aurait suffi de son vivant.

Incipits

"Je parie, dit Mme Lepic, qu’Honorine a encore oublié de fermer les poules."
(Jules Renard, Poil de Carotte)

Il y a huit ans, dans un vieux journal, Paris-Soir, qui datait du 31 décembre 1941, je suis tombé à la page trois sur une rubrique: "D'hier à aujourd'hui". Au bas de celle-ci, j'ai lu:
(Patrick Modiano, Dora Bruder)

mardi 15 décembre 2015

Journal du 15 décembre 1890

Sur les jets d'eau, la nuit, grandissent les ours blancs.

Incipits

Le vieil homme s'efforça de regarder ses souliers cirés et les plis que formait, aux genoux, son pantalon clair trop longtemps laissé dans l'armoire.
(Jules Renard, Coquecigrues)

lundi 14 décembre 2015

Journal du 14 décembre 1891

Au dîner du  Gil Blas. Lacour se met à faire le paillasse, à se rouler par terre, pour arriver, sans doute. Des femmes sont assises sur des genoux, et des animaux vont surgir des hommes.
Armand d'Artois:
- Comme je disais à Mendès: "Voyons! Vous n'allez pas me faire croire que les décadents ont du talents, et que les choses que vous avez prises à Moréas pour l’Écho sont bien", Mendès m'a répondu: "Il ne faut pas qu'on les étouffe!..."

dimanche 13 décembre 2015

Journal du 13 décembre 1908

On dit d'un mot qu'il est profond quand il n'est pas spirituel.

Incipits

C'est un homme de quarante ans, un peu raide et lourd, convenablement vêtu.
(Jules Renard l’Écornifleur)

- Quarante scudi?
- Oui, signora.
- Cela fait, n'est-ce pas, en monnaie de France, deux cents francs.
(Edmond et Jules de Goncourt, Madame Gervaisis)

samedi 12 décembre 2015

Journal du 12 décembre 1904

La réalité a tué en moi l'imagination, qui était une belle dame riche. L'autre est si pauvre que je vais être obligé de chercher mon pain.

vendredi 11 décembre 2015

Journal du 11 décembre 1901

Déjeuner chez Blum. Jaurès a l'aspect d'un professeur de quatrième qui ne serait pas agrégé et ne prendrait pas assez d'exercice, ou du gros commerçant qui mange bien.
De taille moyenne, carré. Une tête assez régulière, ni laide, ni belle, ni rare, commune. Beaucoup de poil, mais ce n'est que de la barbe et des cheveux. Un nerveux clignement de paupière à l’œil droit. Col droit, et cravate qui remonte.
Une intelligence très cultivée. Les quelques citations que je fais, auxquelles je ne tiens pas beaucoup, il ne me laisse même pas les achever. A chaque instant, il fait intervenir l'histoire ou la cosmogonie. une mémoire d'orateur toute pleine, étonnante.
Crache volontiers dans son mouchoir.
Je ne sens pas une forte personnalité. Il me fait plutôt l'impression d'un homme dont le bulletin  pourrait être ainsi rédigé: "Bonne santé sous tous les rapports."
A une de ses plaisanteries, il rit trop, d'un rire qui descend des marches et ne s'arrête qu'à terre.
L'accent: un bizarre dédain pour le c d' "avec". La parole lente, grosse, un peu hésitante sans nuances.
Évidemment, il faudrait voir l'acteur qui est dans cet orateur. Et puis, je vis, par la pensée, avec des hommes trop grands pour que celui-là m'étonne.
- Faire un discours ou écrire un article, pour moi, c'est à peu près la même chose dit-il
Je lui demande ce qu'il préfère de l'exactitude d'une phrase, ou de la beauté poétique d'une image.
- L'exactitude, répond-il.
L'homme qui l'a le plus frappé comme orateur, c'est Freycinet.
Il lui est plus facile de parler dans une réunion publique qu'à la chambre, que de faire une conférence. Où il a été le plus mal à l'aise, c'est à la cour d'assises où il défendait Gérault-Richard.
En religion il paraît assez timide. Il est gêné quand on aborde cette question. Il s'en tire par des "je vous assure que c'est plus compliqué que vous ne croyez". Il a l'air de penser que c'est un mal nécessaire, et qu'il faut en laisser un peu. Il croit que le dogme est mort et que le signe, la forme, la cérémonie, sont sans danger.
D'après Léon Blum, il se sépare de Guesde comme tacticien. Socialiste de gouvernement, il croit aux réformes partielles. Guesde n'admet que la révolution complète.

jeudi 10 décembre 2015

Journal du 10 décembre 1899

Tâche d'aborder le poète avec quelques-uns de ses vers sur les lèvres.

mercredi 9 décembre 2015

Journal du 9 décembre 1901

Henri de Régnier, grisonnant comme nous tous, comme Quillard qui a une belle barbe pleine de neige.

mardi 8 décembre 2015

Journal du 8 décembre 1906

Bergerat parle du livre d'Abel Bonnard.
- Oui, dit-il, oui, c'est du coton. Il y a du coton dans tous les livres de vers. Il y en a dans les Chansons des rues et des bois.
A ces mots, Mendès pâlit, s'affaisse et murmure:
- Non! non! Je ne peux pas entendre ces choses-là! Je me trouve mal.

lundi 7 décembre 2015

Journal du 7 décembre 1889

Les romanciers parlent souvent de l'odeur de la femme habillée qu'on approche d'un peu près. Il faudrait s'entendre: ou la femme se sert de parfums, et ce n'est pas elle qui fleure, ou cette odeur provient des aisselles et du bas-ventre, et alors c'est qu'elle ne se lave pas. La femme saine et propre ne sent rien, heureusement!

dimanche 6 décembre 2015

Journal du 6 décembre 1892

Vu François Coppée qui dit à Lauze, comme un débutant:
- Je crois que mon article fera du tapage.
Il me complimente sur ma "campagne du Journal", et trouve Poil de Carotte méchant et fort heureusement mangé par les écrevisses.

samedi 5 décembre 2015

Journal du 5 décembre 1899

Chez Antoine. Pas un mot de Poil de Carotte, et nous sommes seuls. Il me parle de la Révolte, de Villiers, qu'on joue ce soir, et qu'il trouve une belle chose: il me fait peur. Le public a suivi tout de travers. Mellot a pu sauter trois pages sans que ça paraisse. "Tant mieux!"" dit Antoine avec un faux air de dompteur.
- Avez-vous connu Villiers?
- Ah! oui. Il était épatant. Il buvait des absinthes vertes. Quel type!
Un employé vient  dire: "Larroumet est dans la salle."
- Il vient quand on ne l'invite pas, dit Antoine.
- Il vient, dis-je, pour apprendre son métier.
Et, tout à l'heure, sur l'ordre d'Antoine, un autre employé ira dire, dans toutes les loges: " Attention! Larroumet est dans la salle."

vendredi 4 décembre 2015

Journal du 4 décembre 1899

Concours du Journal. De Heredia, qui précipite sa phrase et ne peut arriver au bout: il bégaie avant le dernier mot. 
- Je suis un de vos plus anciens admirateurs, me dit-il.
Je ne dis pas le contraire. Je ne dis rien. 
Dans un coin, Mme Judith Gautier, le seule femme qui ait écrit sur moi des choses désagréables. La première femme de Mendès, et Mendès est là.
D'Esparbès me reproche de n’être pas allé à son banquet. Il m'appelle bourgeois Bornet, en se frappant sur les cuisses. Tout cela est bas, sans aucune drôlerie, et peut-être que cet homme, décoré par la République pour crier: "Vive l'Empereur!" n'a jamais pensé un mot de ce qu'il a dit.
De tous, c'est peut-être Mendès qui donne le plus l’impression d'aimer la littérature, celle qu'il comprend.

jeudi 3 décembre 2015

Journal du 3 décembre 1889

Vu, chez Rachilde, Trézenick, figure bien franche et sympathique. Il essaie, lui, l'ancien directeur de Lutèce de faire un journal qui soit lu de tous les lettrés. Tout le monde y vient donc!
Trézenik nous disait qu'aucun étudiant ne lisait Lutèce, ce petit journal qui faisait tant de tapage dans la grande presse.

mercredi 2 décembre 2015

Journal du 2 décembre 1901

Chez Barnum. Une fatigue à vouloir suivre ces trois pistes.
L'art, c'est le rare. Or, si, à côté d'un éléphant magnifique, on m'en montre une douzaine presque aussi beaux, le prmier ne m'étonne plus.
Pas un véritable artiste ne consentirait à rester dans cette foule.
Des monstres. le plus impressionnant: ces deux enfants soudés par un lien de muscles. Cela rend indéfiniment rêveur.

mardi 1 décembre 2015

Journal du 1er décembre 1902

Il s'ennuyait tellement à la campagne qu'il a fini par faire la cour à sa bonne. Elle poussait de gros soupirs en lui passant les plats. Rentré à Paris, il n'y pense plus. Mais elle: 
- Monsieur a changé. Monsieur aurait tort de se gêner, s'il me veut du bien. Il n'y a pas beaucoup de personnes aussi capables que moi de dissimuler leurs sentiments.