BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

mercredi 16 septembre 2015

Journal du 16 septembre 1901

Quand nous avons fait notre première communion, il avait déjà un petit goût de ferme. Au lavabo, chaque matin, il se lavait les cheveux à grande eau. Il s'aperçut qu'il les faisait jaunir.
Revoir un homme qu'on a connu intensément voilà vingt et un ans. Il était affectueux, appliqué et gentil. quand on lui disait:: "Je parie que je t'embrasse!" il répondait:" Je veux bien." Ça n'avait plus de goût: on ne l'embrassait pas.
Il n'avait personne à sa première communion. Je l'ai fait "sortir" avec moi.Il a dîné chez les dames Millet, et jamais elles n'avaient vu tant mangé. On se faisait passer des billets, un bout de papier plié en deux, avec l'adresse. 
Ces souvenirs délicats et puérils gênent un peu quand on n'est pas poète. le poète seul ne rougit point d'avoir eu un âge où il disait et faisait des gamineries. Mais il faut risquer ces entrevues-là: c'est âcre, et cela fixe des limites.  On ne peut revivre le passé que tout seul. A deux, l'accord manque.
Comme il a changé! Mais non! c'est moi. Lui, s"est arrêté et n'a plus bougé. Il s'agit bien, pour eux, de se souvenir! Ils ont leurs bêtes à soigner.

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