BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

mardi 30 juin 2015

Journal du 30 juin 1906

Les chevaux, sans en perdre une bouchée, disent bonsoir, de la queue, au soleil qui se couche.

Actualité intellectuelle

Baccalauréat- littérature
Question:  À propos des "Gueules cassées", ces soldats défigurés pendant la guerre de 14/18: Dans le texte de Marc Dugain, le héros ne s'est pas encore vu dans les miroirs [...]. Imaginez la scène, ce qu'il découvre, les émotions qu'il ressent et les pensées qui l'assaillent au fur et à mesure d'une telle révélation.

[...] et c'est la première fois, à la vue de ce visage sans nez, ni bouche, que je regrettai de ne pas être une femme car alors il me resterait la solution du niqab.

[...] et après un grand désespoir, je me dis que je pourrai toujours travailler dans la police.

[...] Je mis ma main sur le miroir doutant de ce que je voyais, mais mon optimisme reprit le dessus, il me restait une possibilité: Poser pour Picasso.
(Brèves de copies de Bac, Chiflet et Cie, p.18, mai 2015)

lundi 29 juin 2015

Journal du 29 juin 1894

À Schwob sur le Livre de Monelle.
" Mon cher ami, j'ai lu le Livre de Monelle avec une scrupuleuse minutie. il me semble que je suis très près de tout à fait comprendre votre art, et je crois bien que je pourrais en écrire une page amusante et épluchée. Ce petit livre me paraît si "sorti" de vous qu'à certains moments je m'imaginais tenir votre âme enfantine et changeante au bout d'une pince. Si vous mourez avant moi, je demanderai à prononcer votre éloge. Je me sens capable de le faire dignement.
Toutefois les paroles de Monelle me troublent un peu. Je ne l'entends pas toujours.  Elle m'échappe deux ou trois fois, et je lui en veux. Je lui ai donné quelques coups de crayon d'une main fâchée. Je tacherai de revenir sur cette impression d'agacement. Une causerie avec vous m'y aidera. Je suis plus à mon aise au milieu de ses sœurs, qui toutes tiennent de l'oiseau, de la fleur et et de la petite fille que nous avons aimée. Je les admire d'autant plus que, sur la fin, Monelle prendra encore plaisir à se dérober, à éviter ma pince, à mériter les bleus de mon crayon.
En résumé, votre livre est si ténu, si peu appuyé, que je l'abîme au courant de ma grosse plume. Ce que je vous dis plus facilement, c'est que le Livre de Monelle m'a donné une joie rare, spéciale, et qu'il m'a pris, ces jours-ci, les meilleures de mes heures.

dimanche 28 juin 2015

Journal du 28 juin 1890

A Vallette et Rachilde. "Un coeur de femme, de Bourget, c'est écrit comme un pensum avec une plume à trois becs. Je suis arrivé à la cent cinquantième page de mon Écornifleur, et je ne trouve plus rien à dire, mais, là, rien du tout, comme si mes personnages étaient morts. Vous faites de la psychologie de toilette, dans vos Furia-mode. Oui, on dirait, positivement que vous faites des tours de psychologie dans un chapeau gondole."

samedi 27 juin 2015

Journal du 27 juin 1901

Leur dire: "Oh! je suis trop monsieur pour entrer chez chez des paysans comme vous!"

Actualité intelectuelle

Baccalauréat - Philosophie
Question: Les oeuvres d'art éduquent-elles notre perception?

Je dois dire qu'après avoir visité il y a quelques années le musée Picasso, j'en doute.

Ça dépend des oeuvres d'art. C'est sûr que si on vous passe de la musique et que vous n'entendait rien, ça va pas s'arranger.

Après une visite à une expo d'art contemporain, j'ai changé ma perception de ma vie car j'ai compris que l'on pouvait gagner de l'argent avec n'importe quoi.
(Brèves de copies de Bac, Chiflet et Cie, p. 113,  mai 2015)

vendredi 26 juin 2015

Journal du 26 juin 1905

Borneau s'est fâché avec Mougneau à propos d'un puits commun.
Ils s'étaient entendus pour le faire curer: Borneau a fait le travail. Venu le moment de payer, Mougneau dit qu'il n'a rien promis. Il devait 11 fr 75. Juge de paix. Feuille de 0 fr 60 pour Borneau.
- Enfin, dit le juge de paix, Mougneau, offrez quelque chose.
- J'offre cents sous.
- Acceptez-vous, Borneau?
 - Si j'accepte! dit Borneau. J'accepterais s'il les mettait là, mais il n'est pas capable d'avoir cent sous dans sa poche.
- Ah! tu crois ça? dit Mougneau. Eh! bien, malin, tu te trompes: les voilà
- Et j'étais bien content de les prendre, dit Borneau.

jeudi 25 juin 2015

Journal du 25 juin 1899

Les jeunes filles de Chaumot veulent toutes aller à Paris. Celles qui n'osent pas dire "à Paris", disent "en grande ville".  Elles veulent gagner de l'argent pour se marier.  Comme elles ne savent rien faire, elles ajoutent qu'elles feraient n'importe quoi, que ça leur est égal.
Elles ont un corsage plissé et une petite broche, les cheveux au vent, les pieds dans des savates, des mains propres et des ongles sales, des yeux frais, du rose aux joues, mais des dents inquiétantes.

Actualité intellectuelle

Baccalauréat- littérature
Sujet:  En quoi le roman et le film, Zazie dans le métro, peuvent-ils être perçus comme la découverte d'un nouveau monde?

Zazie a découvert des choses qu'elle ne connaissait pas et moi j'ai découvert qu'on pouvait écrire des mots qui ne veulent rien dire.

On peut y voir un nouveau monde du langage parce que Raymond Queneau appartenait au mouvement de lou-lipo.

Zazie découvre le monde des adultes et l'homosexualité, mais on peut dire que de nos jours  elle aurait découvert tout ça avant.
(Brèves de copies de Bac, Chiflet et Cie, p. 29, mai 2015)


mercredi 24 juin 2015

Journal du 24 juin 1900

A l'exposition de la Grande-Bretagne, Guitry me montre des Reynolds, je crois. Pas besoin de m'expliquer: c'est beau jusqu'au fond de notre coeur. C'est de la peinture d'amant. Enfants, petites filles, femmes, nous laissent la tristesse de n’être pas aimés d'eux. 
-Et puis, dit Guitry, c'est fait avec rien. A travers la peinture on voit le grain de la toile.
- Oh! ça, je m'en fiche.
Aux machines, halte joyeuse. Il y a des danseuses cocasses, des rageuses, des voluptueuses, des pistons qui jouissent. Huysmans en ferait tout un livre.

Actualité intellectuelle

Baccalauréat - Philosophie.
Sujet: L'artiste est-il maître de son œuvre?
Réponses:
Peut-être de son vivant  mais s'il est mort et que ses chansons sont chantées par un interprète mauvais, il doit se retourner dans sa tombe.

Si j'étais le peintre  je ne supporterai pas comme on l'a fait (je ne sais plus qui mais je l'ai vu sur le net) que l'on mette une moustache et une barbe à ma Joconde et je ferai un procès.

Pas toujours! Je prends le cas d'un chanteur de rap qui passe sur une radio de bourges qu'il déteste. Il ne peut rien faire.
(Brèves de copies de Bac, Chiflet et Cie, mai 2015.)


mardi 23 juin 2015

Journal du 23 juin 1890

La nuit d'orgie dans une pension: il ne reste plus qu'une odeur, une odeur bizarre d’œufs de Pâques écrasés. L'ange du mal, perché sur les rideaux du maitre d'étude, chante victoire et, d'une voix fêlée, s'écrie: "Je tiens ces âmes! - Mais non! Tu ne tiens rien du tout!" dit l'ange du bien, tranquille, assis au chevet d'un amant et sur une table de nuit. "Mais non. Comme dans les contes de la mère l'Oye et les poésies de Charles Baudelaire, pour ma part, je n’y vois aucun mal Cela les calme, les chers petits, et cela ne tire pas à conséquence."
L'ange du mal pleurant de dépit dans un vase...
- Moi, je dors, mes amis, je dors, allez!
Aussitôt ils vont, c'est-à-dire ils s'aiment.
Le premier frottement d'une peau de femme enlèvera ce vice comme un papier de verre efface une moisissure.

lundi 22 juin 2015

Journal du 22 juin 1894

Raoul Ponchon disait à Mme Steinlen, de sa voix douce et appuyée:
- J'avais lu l’Écornifleur, mais je ne croyais pas Renard comme ça. Il me plaît, oui. Ce garçon-là me plaît par des qualités que je lui prêtais si peu que je lui croyais plutôt les défauts contraires.
Ponchon, un poète qui doit dire: "Les femmes sont belles, les hommes sont doux, le vin est bon et j'aime la vie de toute ma vie."
- Ponchon dit Courteline, habite depuis plus de vingt-cinq ans dans la même maison. Elle a été vendue plusieurs fois, et les différents propriétaires ont toujours stipulé sur l'acte de vente que Ponchon n'avait pas de loyer à payer, cela, sans qu'il l'ait jamais demandé.

dimanche 21 juin 2015

Journal du 21 juin 1895

Le voyageur qui, là-bas, sur la route, passe péniblement d'un arbre à un autre.

samedi 20 juin 2015

Journal du 20 juin 1893

Et le ruisseau murmure sans cesse contre les cailloux qui voudraient l'empêcher de courir.

vendredi 19 juin 2015

Journal du 19 juin 1897

Une heure et demie. Mort de mon père.
On peut dire de lui: "Ce n'est qu'un homme, un simple maire d'un pauvre village",et cependant parler de sa mort comme celle de Socrate. Je ne me reproche pas de ne pas l'avoir assez aimé: je me reproche de ne pas l'avoir compris.
Après déjeuner j’écrivais quelques lettres. Le timbre de la porte cochère sonne. C'est Marie, la petite bonne de papa qui vient me dire qu'il me demande.. Pourquoi, elle l'ignore.  Je me lève, seulement étonné. Peut-être plus inquiète, Marinette me dit: "J'y vais." Sans me presser je mets mes souliers et gonfle mes pneumatiques.
Arrivé à la maison, je vois maman dans la rue. Elle crie: "Jules! Oh! Jules!" J'entends: "Pourquoi s'est-il fermé à clef ?" Elle a l'air d'une folle. A peine plus agité qu'avant, je veux ouvrir la porte. Impossible. J'appelle: il ne répond pas. Je ne devine rien. Je suppose qu'il s'est trouvé mal, ou qu'il est au jardin.
Je donne des coups d'épaule, et la porte cède.
De la fumée et une odeur de poudre. Et je pousse de petits cris: "Oh! papa, papa! " Qu'est-ce que tu as fait là? Ah! ben, voilà! Oh! Oh! Et pourtant, je ne crois pas encore: il a voulu plaisanter. Et je ne crois pas à son visage blanc, à sa bouche ouverte, à ce qui est noir, là, près du coeur.
Borneau, qui revenait de Corbigny, et qui est entré le second dans la chambre, me dit:
- Il faut lui pardonner. Il souffrait trop, cet homme-là.
Pardonnez quoi? Quelle idée! Je comprends à présent, mais je ne sens rien. Je vais dans la cour, et je dis à Marinette qui a ramassé maman par terre:
-C'est fini. Viens!
Elle rentre, droite, toute pâle, et regarde de travers, du côté du lit. Elle étouffe. Elle défait son corsage. Elle peut pleurer. Elle dit, pensant à ma mère:
- Empêchez-l d'entrer. Elle est folle.
Nous restons tous deux. Il est là, couché sur le dos, jambes étendues, buste incliné, tête renversée bouche, yeux ouverts. Entre ses jambes, son fusil, sa canne du côté de la ruelle. Ses mains, libres, avaient lâché la canne et le fusil. Elles étaient encore chaudes sur le drap, pas crispées. Un peu plus haut que la ceinture, une place noire, quelque chose comme un petit feu éteint.

jeudi 18 juin 2015

Journal du 18 juin 1890

Un homme qui pêche à la ligne dans la mer.

Actualité intellectuelle

Baccalauréat- Français
Question:  À quoi sert le journal dans Robinson de Daniel Defoe?

Robinson se dit que s'il réussit à quitter son île, son journal pourra devenir un best-seller et qu'il pourra gagner beaucoup d'argent avec, comme celui d'un ancien bagnard Jacques Charrier ou Charrière.

Des fois les auteurs, surtout les débutants, ne savent plus où ils en sont dans leur roman, avec le journal Daniel Defoe peut se repérer plus facilement.

Qui dit que c'est pas Vendredi qui a écrit ce journal, puisque on parle de plus en plus souvent de nègre littéraire.
(Brèves de copies de Bac, Chiflet et Cie, p. 14, mai 2015)

mercredi 17 juin 2015

Journal du 17 juin 1900

Guitry à l'Exposition. Devant le Petit Palais, une vieille femme voûtée lui dit:
-Voulez-vous me donner la main, monsieur, pour m'aider à monter l'escalier?
- Mais comment donc, madame!
Et voilà le beau Guitry, gêné, un peu rouge, montant l'escalier, le poing tendu où la main de la vieille femme s'appuie comme un vieux faucon. J'entends:
- Quand on est jeune!...Il devrait y avoir une rampe.
- Oui, madame.
Sur le bord de la dernière marche, il se débarrasse. Puis il me dit:
- Je regarde si j'ai encore ma montre, car c'est toujours ainsi que ça finit.

mardi 16 juin 2015

Journal du 16 juin 1896

Je prétends qu'une description qui dépasse dix mots n'est plus visible.

La ministre de l'éducation nationale au temps de Jules Renard

Tenez, madame, pas plus tard qu'il y a huit jours je mets sur Lohengrin la ministresse de l'Instruction publique. Elle me répond: "Lohengrin? Ah! oui, la dernière revue des Folies-Bergère, il, paraît que c'est tordant."
(Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs.)

lundi 15 juin 2015

Journal du 15 juin 1893

Elle dit:
- Je regrette de ne pas savoir faire la poésie. Je sens bien,  mais je ne peux pas rendre ce que je sens. Je trouve que la campagne, c'est plein de charme; mais, si on regardait toujours les étoiles, le dîner ne serait jamais cuit. C'est joli, des plates-bandes de fleurs, mais un plant de salade qui vient bien, c'est utile, et l’utile, voyez-vous, on ne peut pas s'en dispenser.

dimanche 14 juin 2015

Journal du 14 juin 1894

Je voudrais un cabinet de travail dont la fenêtre ouvrirait sur une ferme. Je verrais chauffer au soleil le café de la mare, se dandiner les canes, et les oies dresser leurs têtes aux ouïes fines comme des trous d'aiguilles. Devant les vaches rangées dans les étables et soufflant fort, je me dirais: "c'est nous, les hommes, qui devrions être à la place de ces grosses bêtes. Pourquoi, d'un coup de corne au derrière, ne jettent-elles pas dehors le vacher qui les trait, assis sur son escabeau, et qui vide leurs tétines deux par deux, comme s'il grimpait avec les mains le long d'une corde? Et, quand on veut les caresser, elles reculent. D'ailleurs, le vacher n'a guère conscience de sa force, de sa supériorité humaine. Moi seul, je m'émeus, je crois comprendre et m'imagine dominer. C'est que je reviens de loin, pour arriver là, dans cette écurie. Et le vacher y est né."
Et j'aurais une casquette avec ces mots en lettre d'or: Interprète de la Nature."

samedi 13 juin 2015

Journal du 13 juin 1907

Je lui dis:
- Qu'est-ce qui vous ferait plaisir?
- Oh! il ne s'agit pas de me faire plaisir.
- Voulez-vous cent sous?
- Oh! non. Pas besoin.
- Prenez donc!
Je les cherche, et, justement, je ne les trouve pas dans mon porte-monnaie.
- Non! Non! dit-il obliquement. Je ne veux pas être à votre charge.
- Nous sommes tous frères!
- Enfin, quand vous voudrez... Ah!si on pouvait avoir quelques secours de ces fonctionnaires! J'ai toujours bien voté.
Il ne gagne pas vingt sous par jour à la Vauvelle. Il arrive trop tard et part trop tôt
- Quel âge avez-vous donc?
- Le même âge que vous.
- Vous croyez donc que j'ai soixante ans?
- Non, mais je sais bien que vous en avez quarante-trois.
- Et vous aussi?
- Oui, monsieur.
Philippe l'a toujours connu aussi vieux, même au moulin il y a vingt ans. il y était bien, mais déjà il n'en faisait qu'à sa tête.
- Ça ira comme ça  jusqu'au bout, dit-il, jusqu'à ce que je prenne le sac.
- Si vous avez besoin de quelque chose...
- De tout, répond-il.

vendredi 12 juin 2015

Journal du 12 juin 1906

Laissons Victor Hugo tranquille! Rome remplaçait Sparte, c'est du galimatias pour ces petits. L'exercice de la rédaction est stupide. Apprenez-leur à écrire une phase ou deux. Tel, qui ne fait pas de fautes d’orthographe dans une dictée, ne met que des mots barbares dans sa rédaction. 
L'instituteur peintre et violoniste, ça se trouve. Il dit, avec un petit sourire dédaigneux:
- Je ne fais pas de photographie.
Il méprise la peinture en bâtiment.
Cet autre, on me le présente comme un vieux modeste officier d'Académie qui veut finir sa carrière dans sa pauvre école. Il m'est bientôt insupportable, tant il est fier de sa modestie.
De gentilles institutrices, mais ça ne va pas jusqu'aux ongles. Elles disent de moi: "Mais ce monsieur fait bien mal les chiffres, et il ne sait pas additionner les quarts".

jeudi 11 juin 2015

Journal du 11 juin 1892

Le talent, c'est comme l'argent: il n'est pas nécessaire d'en avoir pour en parler.

mercredi 10 juin 2015

mardi 9 juin 2015

Journal du 9 juin 1905

Le moineau: un petit oiseau délicieux qui ne chante pas.

Actualité intellectuelle

Corrigé du bac.
Rome était sans arrêt en but a des luttes intestinales.
Le réchauffement climatique est dans le commutateur des écolos.
(Brèves de copies de Bac, Chiflet et Cie, p.5, mai 2015).

lundi 8 juin 2015

Journal du 8 juin 1897

Papa a son écharpe de maire dans une petite boite rouge à faux cols du Bon Marché. Pour les mariages il l’emporte à la mairie, la pose sur la table et se contente de l'ouvrir; mais en se haussant sur la pointe du pied, époux et témoins aperçoivent l'écharpe. 
- Cela suffit, dit papa.
Jamais il n'a mis son écharpe; et il y a des gens qui ne se croient pas très bien mariés.

dimanche 7 juin 2015

Journal du 7 juin 1901

Le grouillement sentimental qu'il y a dans les moindres pièces de Marivaux.

samedi 6 juin 2015

Journal du 6 juin 1908

Orage. Cette maison n'a pas été frappée depuis qu'elle existe, depuis plus de cent ans. Pourquoi le serait-elle? Eh! oui, mais la réponse peut être un coup de foudre.

vendredi 5 juin 2015

Journal du 5 juin 1894

Monographie de la paresse. - Décrire une journée, et montrer que le cerveau est comme une grosse fleur qu'il faut cultiver tout le matin, pour qu'elle s'épanouisse le soir. Et, comme à Paris, on sort surtout le soir, jamais le cerveau n'y atteint sa maturité complète. A la campagne seulement il peut s'ouvrir tout à fait.  le matin, remuer des journaux, des livres, flairer les idées des autres, écrire des notes du bout de la plume, chercher d'où vient le vent, amener son esprit au point où il a besoin de produire. Enfin, développer cette méthode d’entraînement, de chauffage, avec des mots légers, une langue ni scientifique ni charabia.

jeudi 4 juin 2015

Journal du 4 juin 1898

L'Herbe. - Je voudrais leur être utile, et ce n'est pas commode du tout. Si je leur donne 50 centimes, ils croient que c'est parce que je vais me présenter à la députation.  En politique ils ont plus d'idées que moi: Brisson et Deschanel me sont plus étrangers que des professeurs d'algèbre. 
Leur religion, leur politique, le curé, la châtelaine, leur maire (mon père), puis le pauvre homme qui le remplace. 
Ce sont mes frères. Ils disent toujours: "Il faut être bien courageux pour en faire autant." Mais ce n'est pas ce que je voudrais arriver à leur faire dire.
une espèce de saint ridicule et impuissant.
Ce livre amusera et attendra. Le cimetière où, tant de fois, le village tout entier est venu se reposer.
J'ai écrit ce livre en regardant par ma fenêtre l'herbe du château: elle a rafraîchi mes yeux fatigués. Je lui dois mes bonnes rêveries. elle est la richesse du pays. Elle engraisse les bœufs qui nourrissent les hommes.
Leurs deux ennemis: le médecin et le pharmacien. Si, la politique sert à quelque chose: le médecin oublie des notes et le pharmacien compte moins cher ses pots.
Ils ont un député. Leur horreur de la guerre.
Ce livre me délivrera de ce pays amollissant.
L'eau claire d'une source que traversent les bêtes.
Chasse, pêche. Usages ruraux. Faire de mon père le principal personnage de ce livre. Le drame de la fin entre ma mère, mon père qui se tue, et l'étrangère.

mercredi 3 juin 2015

Journal du 3 juin 1907

Elle va avoir un petit, sa fille aussi. Sur la route, elle promène ses moutons et son ventre. Elle est la plus grosse des brebis.

Actualité littéraire

Jehan-Rictus.  Exhumation du journal très intime du poète des cabarets montmartrois.
Jehan-Rictus  a tenu un journal secret pendant trente-cinq ans, jusqu'au jour de sa mort, soit 30.000 pages d'introspection.
"Un JOURNAL, selon moi, n'a d'intérêt que s'il est rédigé uniquement pour soi avec une implacable franchise vis-à-vis de soi-même.  C'est encore une gymnastique moralisatrice et, durant la journée, j'écarterai de moi certaines pensées, certains désirs,certaines envies impulsives, si je me fais le serment de tout inscrire en ces pages. Il y a des haines que j'éprouve, des actes que je commets dont je n'oserai plus faire l'aveu au papier." Tel fut le crédo du chantre du populisme et de la bohème montmartroise, Jehan Rictus, né Gabriel Randon de Saint-Amand, en 1867...
Journal quotidien, de Jehan-Rictus, Éditions Claire Paulhan, 430 p. 40 €.
(Thierry Clermont, Le Figaro littéraire, jeudi 28 mai 2015, p. 5.)

mardi 2 juin 2015

Journal du 2 juin 1894

Cela juge la critique, qu'un jeune homme de vingt ans, Camille Mauclair, puisse s'y montrer de première force. C'est un genre du même ordre que les courses à pied et le cyclisme.

lundi 1 juin 2015

Journal du 1er juin 1905

Marinette a peur que je perde le goût de la vie. Je lui dis qu'il ne faut pas confondre l'ambition vulgaire avec la joie de vivre.
- Avec toi, dit-elle, tout s’arrange. Le taureau ne me fait pas peur. D'un geste tu l'écartes loin de nous.
- Marinette, lui dis-je, j'ai eu peu peur de la mort, et, aujourd'hui, je me vois très bien, en souriant, allongé dans un cercueil. J'ai eu peur de l'orage: je n'y pense plus. J'ai peur encore de souffrir, non de mourir, d'un coup d'épée, et non d'être tué en duel. L'essentiel, c'est que je ne te perde pas; le reste!... J'ai renoncé à tout ce que recherche un Hervieu: je n'ai pas renoncé au principal. J'avais peur de certaines idées: je n'ai plus peur d'aucune. J'admets tout, sauf qu'on fasse souffrir l'être qu'on aime, et même, simplement, qu'on fasse souffrir. Tu m'as empêché d'être un poète satirique. Je suis un poète élégiaque. Je garde en moi un fond de naïveté qui est une éternelle jeunesse. Je défie tout ce qui est beau, vivant et simple, de ne pas m'impressionner.