dimanche 31 mai 2015

Journal du 31 mai 1908

J'ai visité l’abbaye de Valoires et la chartreuse de Neuville. C'est tout ce que je peux faire pour Huysmans. 
A Abbeville, sur le ponr:
-Qu'est-ce que c'est que çà? dis-je.
- De l'eau, répond Descaves.
On me présente un peintre, un sculpteur, un architecte, dont, les saluts échangés, je ne sais déjà plus les noms.
Descaves me montre une dictée de son fils. C'est du Jules Renard: la Louée. Le petit Descaves dit: "Oh! du Jules Renard, ce n'est pas difficile: personne ne fait de fautes." 
Abbeville, le matin: un jolie jardin autour du musée, une place qui doit être terrible par une après-midi d'août, des cloches qui exagèrent et qui ont l'air de jouer une polka. Ces messieurs parlent des vieilles maisons en connaisseurs.

samedi 30 mai 2015

Journal du 30 mai 1900

Notre âme immortelle, pourquoi?  Et pourquoi pas celle des bêtes? Quand les deux flammes sont éteintes, quelle différence y a-t-il entre la flamme d'une pauvre chandelle et celle d'une belle lampe au bec compliqué, haute sur tige, et dont l'abat-jour s'écarte comme une jupe?

vendredi 29 mai 2015

Journal du 29 mai 1889

- Les hommes? Oh! ça me fait faire pipi.

Actualité littéraire

Henri de Régnier, de Patrick Besnier, Fayard, 526 p., 32 €.)
Un désenchantement secret. Parution de la première monographie du poète symboliste Henri de Régnier.
Patrick Besnier, spécialiste d'Alfred Jarry, nous livre la première biographie complète de cet auteur particulièrement prolixe (un corpus d'une cinquantaine de volumes: poésie, contes, romans, essais), année après année,  de 1864 à 1936. Natif de Honfleur, Régnier fait sa véritable entrée en littérature en fréquentant les samedis du poète parnassien José-Maria de Heredia, dans le salon de la rue Balzac. Nous sommes en 1988, il a vingt-quatre ans. Heredia a trois filles; Régnier épousera la plus fantasque et la plus volage d'entre elles, Marie, qui écrira sous le nom de Gérard d'Houville...
(Thierry Clermont, Le Figaro littéraire, jeudi 21 mai 2015, p. 6.)

jeudi 28 mai 2015

Journal du 28 mai 1902

Une petite femme raconte qu'elle a visité le Vésuve avec son ami. Arrivés en haut, un coup de vent a flanqué le chapeau de son ami dans le fourneau. Donnay met le mot dans une de ses pièces, et la petite femme, toute fière, lui dit, d'un petit air modeste:
- Vous trouvez ça spirituel, vous?

mercredi 27 mai 2015

Journal du 27 mai 1889

Aujourd'hui, la vache à Marie Piarry a fait veau. Marie pleurait et disait: "Je ne veux pas voir ça. J'vas m'en aller."
Elle revenait. "Oh! la pauvre amie! La pauvre amie! Tenez! elle est morte! Je vois bien qu'elle est morte. Jamais elle ne sortira!"
La vache vêlait et poussait des soupirs. Lexandre lui faisait la moue tout en tirant les pattes du veau et disait: "Oui, ma belle!" Le père Castel présidait et disait: "Mes enfants, tirez, tirez!"
Tout le monde se sentait mère, et, quand la vache, son veau fait, ayant bu une bouteille de vin sucré, se mit à lécher le sel qu'on avait répandu sur son veau, tout le monde avait les larmes aux yeux.

mardi 26 mai 2015

Journal du 26 mai 1898

Au salon. Comme à l'Opéra-Comique, je n'y étais pas allé depuis dix ans. Seule, la statue de Balzac par Rodin me tire l’œil. De trois quarts, à vingt mètres, elle a une attitude. Et ces yeux creux, cette tête grimaçante, ce front étroit,  cet homme empêtré dans sa robe de travail, c'est quelque chose. On peut dire de cette statue ce que Mme Victorine de Chatenay disait de Joubert: "Une âme qui par hasard a rencontré un corps, et qui s'en tire comme elle peut."
Mais le reste! Toutes ces sculptures et ces peintures, ce doit être bâclé comme un article de journal. Rien que des couleurs à côté.
D'instinct, un ignorant regarderait la statue de Rodin.
Au sortir d'un salon, n’importe quoi qui se laisse regarder fait plaisir.

lundi 25 mai 2015

Journal du 25 mai 1893

Daudet me dit:
- Vous avez fait d'étonnants progrès en langue française. Maintenant, chaque mot de vous est poinçonné.

Actualité littéraire

Paul Verlaine, de Stefan Zweig, traduit de l’allemand par Corinna Gepner, Le Castor Astral, 156 p., 14 €.
L'auteur d'Amok a tellement écrit qu'on n'est pas surpris de découvrir un nouvel inédit. Dernier en date, la biographie consacrée à Paul Verlaine. A la vérité, "biographie" n'est pas le mot qui convient, il s'agit d'une analyse de l’œuvre à l'aune de son caractère. L'incipit donne la clé de la démarche de Zweig: "Les oeuvres des grands artistes sont de muets témoignages des vérités éternelles." Paul Verlaine n'est peut-être pas une biographie mais le texte reste un document exceptionnel que les français peuvent enfin découvrir. [...]
Avec Verlaine, il a la dent dure, très dure. On peut résumer ainsi son travail: oil adore l'oeuvre du poète, il déteste l'homme.
(Mohammed Aïssaoui, Le Figaro littéraire, jeudi 21 mai 2015, p. 6.)
Dans cette rencontre au sommet, tout porte à croire que Zweig est l'auteur et Verlaine le sujet. Or le rapport de force est plus équivoque. La vie du poète produit sur le jeune écrivain autrichien l'effet d'un répulsif, c'est-à-dire aussi d'un révélateur. Le lecteur est surpris par le tour moralisateur que prennent volontiers les commentaires de Zweig. Si ce dernier se garde bien de prononcer lui-même la sentence, nous avons souvent l'impression de lire le rapport d'un expert psychiatre établi en vue d'un procès. Bien sûr, Zweig admire profondément les vers de Verlaine, mais il juge avec sévérité son existence erratique et sa personnalité versatile: "Verlaine était une masse molle dénuée de force et de résistance (...). Dès lors, sa vie n'était pas une ligne paisiblement ascendante, mais une succession d'effondrements et de catastrophes, de soulèvements et de purifications, qui se résolvaient dans un grand abattement."
(Eric Chevillard, Le Monde des Livres, vendredi 22 mai 2015, p. 10.)

dimanche 24 mai 2015

Journal du 24 mai 1893

Gandillot, un gros, siffle en parlant, dessine, et dit:
- C'est étonnant comme c'est difficile de dessiner quand on ne sait pas!
Il fait même un peu de peinture.
- C'est rigolo, dit-il.
- Que ma bonne aille où elle voudra, dit-il encore, pourvu qu'elle ne m'emmène pas!
Il joue au jacquet et compte les points avec ses doigts, comme s'il trottait sur le tapis, comme s'il passait un ruisseau sur des pierres.

samedi 23 mai 2015

vendredi 22 mai 2015

Journal du 22 mai 1889

Par les soleils couchants, il semble qu'au-delà de notre horizon commencement les pays chimériques, les pays brûlés, la Terre de feu, les pays qui nous jettent en plein rêve, dont l'évocation nous charme, et qui sont pour nous des paradis accessibles, l’Égypte et ses grands sphinx, l'Asie et ses mystères, tout, excepté notre pauvre petit maigre et triste monde.

jeudi 21 mai 2015

Journal du 21 mai 1893

Ce qui fait le plus plaisir aux femmes, c'est une basse flatterie sur leur intelligence.

mardi 19 mai 2015

Journal du 19 mai 1892

"Les affaires avant tout", lui dit-elle.

L'encre au temps de Jules Renard

L'encre est le liquide le plus redouté, parce que le moins saisissable et en même temps le plus durable.
(Léon Daudet, Sauveteurs et incendiaires, Flammarion, p. 25.)

lundi 18 mai 2015

Journal du 18 mai 1891

Revu M. Rigal. Rien de plus douloureux que de revoir un ancien maître en mendiant.

Actualité littéraire

Baudelaire et Compagnon.
Après les succès inattendus des étés 2013 et 2014, avec Montaigne, puis Proust, Antoine Compagnon publiera le 21 mai Un été avec Baudelaire, toujours aux Éditions des Équateurs.
En une trentaine de chapitres, l'auteur aborde, selon son éditeur, "le réalisme et le classicisme de Baudelaire, poète inclassable et irréductible: poète moderne et antimoderne, le passant de Paris, le dandy d'Honfleur, le poète du crépuscule et de l'été, du rire et de la procrastination".
(Le Figaro littéraire, jeudi 7 mai 2015, p. 3)

dimanche 17 mai 2015

samedi 16 mai 2015

Journal du 16 mai 1908

Ce qui gâte le Bois de Boulogne, c'est le riche. Et ces cavaliers qui se plaisent à faire crier le cuir de leur selle! Et les pauvres vieux qui font un peu de bicyclette avant de mourir!
Les gouvernantes qui lisent, sur un banc, des livres imprimés toujours très fins. Elles s'abîment les yeux.
Le Bois, qui sur le moment me ferait pleurer de joie, me laisse l'envie, d'aller à la campagne, et non de revenir le voir.
Combien peu de gens savent regarder une belle chose sans la préoccupation spontanée de pouvoir dire: "j'ai vu quelque chose de beau"!
La nature frissonne d'être peinte par une jeune fille.

vendredi 15 mai 2015

Journal du 15 mai 1906

Le pot bout. Les pois y dansent comme une source.

Actualité littéraire

L'intelligence des choses du Cœur. 
Essais: Deux ouvrages célèbrent l'amitié dans la vie et dans l’œuvre de Proust.
"Des amis, pas d'amitié": on connaît le mot cruel de Céleste Albaret  à propos de Marcel Proust. Proust qui avait affirmé, alors qu'il était plongé dans la Recherche: "Personne n'aimerait autant aimer d'amitié que moi, et je crois ne saurait mieux le faire." Oui, l'amitié fut bien la grande affaire de sa vie [....].
Saint-Loup, de Philippe Berthier, Éditions de Fallois, 192 p., 20 €.
Reynaldo Hahn, un éclectique en musique, collectif dirigé par Philippe Blay, Actes Sud/ Palazetto Bru Zane, 502 p., 55 €.
(Thierry Clermont, Le Figaro littéraire, jeudi 7 mai 2015, p. 6)

jeudi 14 mai 2015

Journal du 14 mai 1904

En tablier blanc, les hirondelles font leurs nids.

Jules Renard aux enchères. Lettres inédites.

Date de vente : 22/05/15
Pierre Bergé & associés.  Drouot- Paris- salle n° 2.

Lot n°368 - RENARD, Jules -
UNE  LETTRE autographe signée, adressée à Léo d'Orfer Saint-Etienne, 15 août 1888
HUIT LETTRES ADRESSÉES À LÉO D'ORFER SUR LE POINT DE PUBLIER LE PREMIER LIVRE DE JULES RENARD Deux pages in-8 oblong (130 x 210), à en tête imprimé “Milland & Philip, Saint-Etienne”, à l'encre brune [AVEC:]
SEPT AUTRES LETTRES autographes signées adressées au même, et une facture d'imprimeur: 2/ Saint-Étienne, 17 août 1888. Une page 1/2, à l'encre noire: “Je me résigne à faire imprimer ces quelques nouvelles, d'abord parce qu'il m'ennuie de toujours les garder en portefeuille” -- 3/ Saint-Étienne, 20 août 1888. Une page, à l'encre noire: “Je vous laisse absolument libre en ce qui concerne le choix du papier, et, en général, tout ce qui est affaire de goût” -- 4/ Chitry-les- Mines, 7 septembre 1888. Une page in-12, à l'encre brune -- 5/ Chitry-les-Mines, 17 septembre 1888. 1/2 page in-8, à l'encre brune: “je rentre à Paris demain” -- 6/ Le 11 octobre 1888. 1/2 page in-12, à l'encre brune: “je vous adresse un chèque de cent francs” -- 7/ S.l.n.d. Une page 1/4, à l'encre brune: “On me propose de présenter mon volume de nouvelles à Charpentier [...] je vous serais donc très obligé de me prêter pour quelques jours manuscrit” -- 8/ 21 juin 1907. 2 pages in-12, à l'encre brune: “puisque vous allez à Aulnay-sous-Bois, dîtes moi tout de même, par un mot personnel, la vérité. Je n'aime qu'elle” -- 9/ facture de l'imprimeur E. Seguy pour le volume Crime de village. Une page in-4 “Je vous adresse un chèque de 50 francs pour ce pauvre Verlaine [...] Puisque vous faîtes des affaires, à quelles conditions pourriez-vous faire éditer mes infortunées nouvelles et en combien de temps? Je voudrais en réunir 10 ou 12 au plus”. En 1888, les amis de Verlaine se cotisent pour lui assurer une rente mensuelle. Les nouvelles dont il est question paraîtront sous le titre Crime de village, en 1887, dans la Revue de Paris de Léo d'Orfer.
Estimation  500 - 800 € 

mercredi 13 mai 2015

Journal du 13 mai 1898

On a vite touché le fond de l'ordure. Elles ne savent pas, ces dames combien vite un homme se lasse d'une grue. Pour les aimer, il faudrait d'abord leur coudre la bouche, et Marinette, dans son coin, a l'air d'une pudeur qui s'ennuie. 
Entre elles, elles se traitent minaudièrement de "vaches".
Celle-ci, qui ondule comme une anguille, aimerait à siffler, avec deux doigts dans la bouche, comme les petits voyous de la rue. Celle-là s'est fait suivre, à coups de clins d’œil, par Barrès, qui ne la connaît pas. elle ne voudrait pas coucher avec celui-là. Elle coucherait bien avec cet autre, et, si elle était mariée avec cet autre, elle le ferait cocu.
Elle chatouille le ventre de sa chienne.  Elle s'étonne que les femmes ne couchent pas plus souvent avec les singes.
Une certaine limite dépassée, il n'y a plus rien à dire, ni à faire, qui en vaille la peine. Quand une jolie bouche de femme a dit "merde", tout ce qu'elle peut dire après semble fade. L'art, c'est de le dire le plus tard possible, le grand art, peut-être de ne le dire jamais.
Et le mari écoute ça! Il a l'air un peu idiot. 
Elles se balancent sur un rocking-chair, à qui lèvera les jambes le plus haut. 
Et tout cela donne à ma petite Marinette une forte envie de pleurer.
Et, d'ailleurs, Rabelais les dégoûte.

mardi 12 mai 2015

Journal du 12 mai 1893

Bosdeveix nous invite à aller dans une campagne où il y a ce qu'il faut pour jouer au bouchon.
Il prendra ma valise à la gare, et il connaît une vieille grange brulée où il nous introduira. Entrez d'abord. On s'arrangera toujours.

lundi 11 mai 2015

Journal du 11 mai 1902

- Tu as parlé, dis-je à Capus, de la tristesse de l'homme fidèle.
- Ah?
- Oui, dans la Petite Fonctionnaire, et cette remarque est de moi.
- Ah! Je savais bien, dit-il, qu'elle n'était pas de moi, mais j'ignorais qu'elle fût de toi.
Il dit: "Allons! à Mardouille!" (pour: à mardi).
- Tu ne m'avais pas trompé, dit-il. La Bruyère, c'est bien, mais Marivaux m'embête.
Il achète, très cher, des petits complets à carreaux qui lui donnent l'air d'un ouvrier. Il dit: "Je suis malade. Je me suis découvert un commencement de tuberculose."
Rien n'est plus drôle que ce petit bonhomme chauve qui a le nez sale, des yeux "tâtonnants" de myope, point de front, et plus d'esprit, à lui seul, que Voltaire et nous tous.

dimanche 10 mai 2015

Journal du 10 mai 1898

Je voudrais, moi aussi, tout comprendre et tout sentir. Mais, pauvre escargot que je suis, l'horizon infini, que je ne touche pas, blesse mes cornes.

vendredi 8 mai 2015

Journal du 8 mai 1900

Élection du 6 mai, dimanche. Élu par 31 voix sur 50 votants.
Toute la matinée, je surveille, du banc. Philippe  surveille l'arrivée du père Garnier, l’ancien berger qui a cinq livres de pain de la commune et qui cherche le reste.  Philippe lui donne le bon bulletin et le pousse dans la salle de vote. Je le vois entrer. Il s'approche, le bras tendu, son bulletin à la main, comme à tâtons, parce qu'il ne voit pas bien clair, dépose son bulletin et s'assied, la tête sur son bâton, voûté, malade, le  visage dégradé comme un vieux mur. Il prononce des mots qu'on n'entend pas et s'en va, disant: " Bonsoir, la compagnie!" Il viendra le lendemain  à ma porte, et je lui donnerai dix sous, n’osant faire plus de peur qu'il ne se saoule, mais Philippe me dit que, dans ces cas-là, il ne boit que du café.
Après déjeuner, je me décide à aller à la mairie qui, jusque-là, me faisait un peu peur. Des gens se lèvent. Je donne des poignées de mains, mais je le sens mal. M. de Talon, inquiet, dépose les bulletins dans l'urne et, chaque fois, frappe de la paume sur la boîte comme pour dire: "Il n’y a pas à revenir."
L'heure approche de fermer le scrutin. Les pointeurs s'installent. On vise la boîte.
C'est fini. Tous les conseillers sortants passent, plus moi. Je dis à tous:
- Messieurs, je vous invite, ceux qui ont voté contre moi et pour moi, à venir boire un verre de bière. 
Ils viennent presque tous. Je ne les compte pas , mais trente-sept bouteilles jonchent le sol, comme des petits canons partis. Si on votait maintenant, j'aurais dix voix de plus.
Déjà un vieux a quelque chose à me demander. Je l’entraîne  dans un coin. Il commence une histoire. Je le remets à plus tard, quand le conseil sera formé.
Je me couche, content, énervé, poisseux, la tête pleine d'un feu d'artifice de bulletins.

jeudi 7 mai 2015

Journal du 7 mai 1891

Prendre par le cou l'idée fuyante et lui écraser le nez sur le papier.

Actualité littéraire

J.-K. Huysmans revient grâce à Houellebecq.
Réédition. Remis au goût du jour par Michel Houellebecq dans Soumission le romancier catholique Joris-Karl Huysmans (1848-1907) fait l'objet d'un nouvelle ferveur éditoriale, largement méritée. Les Éditions des Équateurs viennent de rééditer son troisième roman, particulièrement noir, et paru en 1881: En ménage. Un livre, selon Michel Houellebecq, "où jamais peut-être le bonheur tiède des vieux couples n'avait été exprimé avec une telle douceur". Pour leur part, les Éditions Bartillat ont rassemblé en un seul volume les quatre romans du cycle de Durtal: Là-bas, En route, La Cathédrale, l'Oblat. Une tétralogie mettant en scène Durtal, double de Huysmans lui-même, qui mène une enquête approfondie sur les milieux sataniques de la fin du XIXe siècle. Le volume fort de quelque 1300 pages, reprend la préface écrite par Paul Valéry en 1898. Enfin, en juin, L'Herne présentera une édition des textes de Huysmans sur les différents  quartiers de Paris.
(Thierry Clermont, Le Figaro littéraire, jeudi 30 avril 2015, p. 6.)

mercredi 6 mai 2015

Journal du 6 mai 1905

Trois petits gars vont de porte à porte, montrant trois fouines qu'ils ont prises. On leur donne un sou, des œufs.

Le latin et le grec au temps de Jules Renard

Nous tenons, du latin, la rectitude, la rigueur, la concision, les qualités synthétiques; du grec, la pénétration, la complexité, l'analyse, la nuance. Nous sommes redevables à l'un et à l'autre. Aveugler l'une ou l'autre source pour les générations à venir, est une imbécilité criminelle. 
Tout cela en vue de l'école unique, qui sera la primarisation globale de l'enseignement, la barbarie mentale en bâton.  Tout cela en vertu d'un scientisme imbécile, qui s'imagine que la science peut se passer de la connaissance.  Tout cela enfin parce que la culture intellectuelle est le fait d'une élite, au même titre que la culture spirituelle, et parce que la démocratie ne veut d'aucune élite, ni intellectuelle, ni spirituelle, ni d'aucune supériorité susceptible de créer une autorité.
(Léon Daudet, Les Humanités et la culture, Éditions du Capitole, 1931)

mardi 5 mai 2015

Journal du 5 mai 1897

C'est bien, de mépriser le monde et de s'en servir, mais comme c'est mieux de le mépriser tout simplement!

Actualité littéraire

Proust détective, la suite,
Pierre-Yves Leprince avait séduit de nombreux lecteurs avec Les Enquêtes de Monsieur Proust. La suite est déjà prête: Les nouvelles enquêtes de Monsieur Proust paraîtront le 21 mai chez Gallimard. A Paris, en 1907, Noël travaille pour une agence de détectives. Reclus dans sa chambre, Marcel Proust, futur romancier, se distrait en élucidant les faits divers de l'époque.
(Le Figaro littéraire, jeudi 23 avril 2015, p. 5)

lundi 4 mai 2015

Journal du 4 mai 1909

Les imparfaits du subjonctif. C'est une affaire de mesure.  La beauté du style est dans sa discrétion. Il n'est pas plus ridicule de se servir de l'imparfait du subjonctif que de dire: Je fus...Je fis... Nous partîmes..." Mais il ne faut pas abuser; le passé défini nous lasse vite. De beaux parleurs ne cessent pas de s'en servir.
Tout lasse. L'image même, qui est d'un si grand secours, finit par fatiguer. Un style presque sans image serait supérieur, mais on n'y arrive qu'après des détours et des excès.
C'est ce qu'ignorent les professeurs, qui commencent par vous éteindre. Il ne faudrait s'eteindre quec sûr de retrouver l'éclat au moment voulu.
Le beau style ne devrait pas se voir.
Michelet ne fait que ça: c'est éreintant. De là, la supériorité de voltaire où de La Fontaine.  La Bruyère est trop voulu, Molière trop négligé.
Il y a des gens qui n'arrivent  à la concision qu'avec une gomme à effacer: ils suppriment des mots nécessaires.
On devrait écrire comme on respire. Un souffle harmonieux, avec ses lenteurs et ses rythmes précipités, toujours naturel, voilà le symbole du nouveau style.
On ne doit pas au lecteur que le clarté. Il faut qu'il accepte l'originalité, l'ironie, la violence, même si elles lui déplaisent.Il n'a pas le droit de les juger. On peut dire que ça ne le regarde pas.
"Je m'en rappelle, de ces matinées que j'ai passées..."En apparence, c'est presque une double faute. Il faut éviter cette apparence.

dimanche 3 mai 2015

Journal du 3 mais 1890

On voit des hommes qui ont des sourcils blancs, et des poissons qui sont grands comme des hommes. M. le maire me disait à propos du 1er mai: "Monsieur, j'étais sûr du calme. Je connais mon Paris." Tous sont donc intelligents, mais, par ma lyre! Ils ont des yeux vilains. Des paupières rouges et des affaires blanches au milieu. Cela donne la sensation d'anchois nageant dans de la lie de vin.

samedi 2 mai 2015

Journal du 2 mai 1897

Seul, je pense à Marinette comme à une petite femme toute neuve à qui je ferais la cour. Et je pense aussi à toutes les autres.
Hier, en  la quittant, j'ai fait quelques pas à pied avec l'espoir de quelques frôlements. Aucune femme ne m'a raccroché. Quelques-unes m'ont seulement regardé avec des yeux qui faisaient baissé les miens. On dit que la sensibilité s'use. La mienne est plus que jamais à vif. Et puis, on ne naît pas avec une sensibilité toute faite. On la fait. On lui donne une perfection extraordinaire
Si, pourtant, toutes les femmes qui m'admirent, si ces quelques femmes savaient que je suis seul, ne viendraient-elles pas me voir? j'aurais du faire une annonce.
Il fait un dimanche ensoleillé qui me rappelle les dimanches du lycée où j'étais privé de sortie. D'ailleurs, sorti, je m'ennuyais davantage.
Et voilà! moi qui appelle du fond du coeur les aventures, je me demande où je vais aller dîner.

vendredi 1 mai 2015

Journal du 1er mai 1903

À cinq heures, Antoine vient me dire que la répétition, que j'attends depuis deux heures et demie, n'aura pas lieu.
Ces dames parlent de leurs cors au pieds.
- Moi, dis Desprès, j'en ai deux gros , énormes!
Là encore elle veut être la première.
Répétition du deux en costumes.
Tous ont mal joué, préoccupés de leurs toilettes et des derniers béquets, voulant jouer comme je veux et contre Antoine, furieux, qui ne sait plus un mot de son rôle.
- C'est une merveille! lui dit Wolff.
- C'est un clou, répond Antoine, et Renard nous flanquera par terre en nous faisant jouer comme ça.Il dit à Alfred Nathanson:
- Ce n'est pas possible de lui donner ce qu'il veut. 
À moi: - C'est une ordure. en la prenant comme ça, la pièce fout le camp.
- Çà m'est égal! dis-je. J'aime mieux un four avec ma pièce jouée dans le sens qu'elle a, qu'un succès sans moi.
- Bien! Je vous la jouerai comme ça. Oh! soyez tranquille! Je ne vous trahirai pas, mais, un soir, je la jouerai comme je veux, devant le public, et vous verrez!