BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

jeudi 5 mars 2015

Journal du 5 mars 1891

Hier, chez Daudet, Goncourt, Rosny, Carrière, Geffroy, M. et Mme Toudouze, M. et Mme Rodenbach. Pourquoi suis-je sorti de là écoeuré?  Je m'imaginais sans doute que Goncourt n'était pas un homme. Faut-il retrouver chez les vieux les petitesses des jeunes? A-t-on assez arrangé le pauvre Zola, jusqu'à l'accuser de tourner au symbolisme! Et Banville, "ce vieux chameau", comme l'appelle Daudet, qui dit encore, mais cette fois avec esprit: "Si j'avais fait l'arbre généalogique de Zola, on m'aurait trouvé un jour pendu à l'une de ses branches!..."
Goncourt,  un gros militaire en retraite. Je n'ai pas vu son esprit: ce sera pour une autre fois. Jusqu'à la seconde impression, c'est l'homme des répétitions que je trouve si insupportables dans l’œuvre des Goncourt. Rosny, un  bavard savant, éprouve un vif plaisir à citer du Chateaubriand, spécialement les Mémoires d'outre-tombe.
Carrière, un monsieur qui serre la main des autres le plus près possible de la cuisse.
Rodenbach un poète qui trouve que nous manquons de naïveté, qui a pris au sérieux l'article de Raynaud sur Moréas, et qui ne se reconnaît plus dans les ironies de Barrès.  On lui a demandé des vers. Il a fait le difficile. On a insisté. Il a eu l'air d'en chercher; on l'a oublié. On a parlé d'autre chose et il n'a pas dit ses vers...

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