Lecteurs, lectrices de ce blog, ne perdez plus votre temps, votre argent, abandonnez d'urgence vos lectures et pour commencer celle de ce blog, adonnez vous aux mots fléchés, au sudoku ou, pourquoi pas, si vos doigt sont agiles, à la broderie. Cher Léon Guichard, cher Michel Autrand, cher Stéphane Gougelmann dont les thèses sur Jules Renard ont éclairé mes insomnies et rendu, du moins je le croyais jusqu'à aujourd'hui, moins épaisse mon ignorance, apprenez que votre prose n'était, hélas, que fadaises destinées à disparaître dare-dare sur le bûcher de vos vanités.
Et oui, du fond d'un petit bourg français une nouvelle doxa prend son envol et déjà submerge la planète: une intermittente habitante vient de décréter, et répand urbi et orbi que nul ne peut comprendre Jules Renard s'il n'est pas habitant de Chitry-Les-Mines. (pour le lecteur occasionnel, Chitry-Les-Mines est le village natal où n'est pas né Jules Renard). Vous aurez compris, chers lecteurs et chères lectrices que, comme les ailes du papillon qui croît butiner impunément sur les pâles fleurettes de votre pavillon de banlieue, cet axiome a pour conséquence de déclencher un cataclysme universel.
Habitants, de Maubeuge, d’Épinal, de Villeurbanne, ou de Bécon-les Bruyères ruez-vous à l'Etat-civil de votre mairie et vérifiez illico si le hasard a fait naître dans votre commune au moins un seul plumitif, même le plus obscur, qui vous sauvera de l'analphabétisme. Universitaires, écrivains, biographes qui avez osé vous pencher sur la vie ou l’œuvre d'un auteur étranger à votre village, mesurez désormais l'étendue de votre turpitude. Messieurs Lagarde et Michard, votre prétention, n'a d'égale que la profondeur de votre ignorance. Vous serez jugés par contumace et par posthumace, condamnés à mourir une deuxième fois sur l'échafaud érigé par vos pairs repentis de la Sorbonne reconvertis dans la menuiserie funéraire.
Heureux habitants de Besançon, ville deux fois bénite pour avoir donné le jour à Victor Hugo et Tristan Bernard, vos cervelles favorisées peuvent, sans faillir, choisir entre deux auteurs. Chance que n'ont pas les rouennais condamnés à lire, relire, et relire toujours et encore Madame Bovary, la Tentation de Saint-Antoine, Salammbô et l’Éducation sentimentale. Ayons une pensée charitable pour les 450 habitants d'Épineuil-le-Fleuriel incapables de ne rien comprendre d'autre que le seul et unique roman de leur concitoyen mort trop tôt sur un champ de bataille. Tout le monde n'a pas la chance, comme aurait dit Jules Renard, d'être né à Auteuil dont les habitants n'auront pas assez d'une vie pour digérer l’œuvre de Marcel Proust.
Mais tant pis pour vous, ignares que vous êtes, l'auteur de ce blog (pourtant doublement favorisé: né à Paris - ouf-, à deux pas de l'hôtel particulier de Sacha Guitry - re-ouf - aujourd'hui détruit), l'auteur de ce blog, inculte, prétentieux, parisien, mal élevé, hérétique, ingrat continuera à nourrir ce blog d'une prose insipide et absconse jusqu'à ce que mort s'ensuive.