BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

dimanche 30 juin 2013

Journal du 30 juin 1894

Je suis franc, moi, c'est-à-dire que je parle tout le temps d'une franchise que, malgré mes efforts, je n'arrive pas à m'approprier.

samedi 29 juin 2013

Journal du 29 juin 1899

Éclairs. Celui-là casse comme du bois sec. Cet autre crépite comme du bois qui brûle.

vendredi 28 juin 2013

Journal du 28 juin 1905

les porcelets ne se trompent jamais sous le ventre de la truie, et chacun reconnaît, dès le premier soir, la mamelle qui est à lui.

Résultat de la vente Jules Renard

Jules Renard n'a pas la cote.
Mieux vaut posséder des lettres de Marcel Proust que de Jules Renard. Une lettre de Proust estimée 8.000 € a été adjugée 34.000 €. Une autre estimée 15.000 €, adjugée 40.000 €.
Voici le résultat de la vente de manuscrits de Jules Renard chez Me Ader jeudi 27 juin:
- 2 lettres à Alphonse Labitte estimées 400/500 adjugées 300 €
- 5 lettres à Alfred Vallette estimées 1000/1200 adjugées  1000 €
- Page du Journal estimée 1500/2000 adjugée 3000 € (1)
- 1 lettre à Lucien Descaves estimée 400/500 adjugée 280 €
- 9 lettres à Louis Paillard estimées 1000/1200 € adjugées 1000 €
- 2 lettres à Rosa Bruck estimées 400/500 adjugées 350 €
- 2 lettres au directeur de  La Flèche estimées 200/300 adjugées 200 €
- 2 lettres à Henri Beaulieu estimées 400/500 adjugées  350 €
- 1 lettre à Jules Lévy estimée 150/200 adjugée 200 €
- 1 lettre à Jules Bois estimée 150/200 adjugée 100 €
- 1 lettre à X. estimée 200/300 adjugée 180 €
- 1 lettre à Paul Fort estimée 400/500 adjugée 350 €

(1) Ce document mis à prix à 1200 € avait atteint poussivement 2000 €. Alors que le commissaire priseur allait adjuger 2000 €, une représentante d'un organisme publique présente au fond de la salle annonça 3000 €. (50% au dessus de la précédente enchère). Le commissaire priseur, bouche bée, faillit, de surprise, en avaler son marteau déjà levé. Médusé, il adjugea 3000 € un lot qui aurait dû à peine dépasser 2000 €. Jackpot pour le vendeur.

jeudi 27 juin 2013

Journal du 27 juin 1899

Ces heures où l'on a envie de lire quelque chose d'absolument beau. Le regard fait le tour de la bibliothèque

Une rue de Paris au temps de Jules Renard 1/3

Dehors, des thèmes populaires finement écrits pour des instruments variés, depuis la corne du raccommodeur de porcelaine, ou la trompette du rempailleur de chaises, jusqu'à la flûte du chevrier qui paraissait dans un beau jour être le pâtre de silice, orchestraient légèrement l'air matinal en une "Ouverture pour un jour de fête". L'ouïe, ce sens délicieux, nous apporte la compagnie de la rue dont elle nous retrace toutes les lignes, dessine toutes les formes qui y passent, nous en montrant la couleur. Les rideaux de fer du boulanger, du crémier, lesquels s'étaient hier au soir abaissés sur toutes les possibilités de bonheur féminin, se levaient maintenant comme les légères poulies d'un navire qui appareille et va filer, traversant la mer transparente, sur un rêve de jeunes employées. Ce bruit du rideau de fer qu'on lève eût peut-être été mon seul plaisir dans un quartier différent. Dans celui-ci cent autres faisaient ma joie, desquels je n'aurais pas voulu perdre un seul en restant trop tard endormi. C'est l'enchantement des vieux quartiers aristocratiques d'être, à côté de cela, populaires. Comme parfois les cathédrales en eurent non loin de leur portail (à qui il arriva même d'en garder le nom, comme celui de la cathédrale de Rouen, appelé des "Libraires", parce que contre lui ceux-ci exposaient en plein vent leur marchandise), divers petits métiers, mais ambulants, passaient devant le noble hôtel de Guermantes, et faisaient penser par moments à la France ecclésiastique d'autrefois.
À suivre.
(Marcel Proust, La Prisonnière, Folio classique, p. 107)

mercredi 26 juin 2013

Journal du 26 juin 1897

Non! il ne nous avait pas prévenus. Nous parlions souvent de la mort, pas de la sienne. Il nous en fallu des vertus romaines. Il les avait peut-être; elles nous auraient manqué.
Je serais un coupable et un sot si je ne savais pas dégager de cette mort la belle leçon qu'elle nous donne.
On ne peut pas pleurer et penser, car chaque pensée absorbe une larme.

mardi 25 juin 2013

Journal du 25 juin 1906

Poète nouveau. Retenez bien ce nom, car on n'en parlera plus.

Jules Renard aux enchères jeudi 27 juin

Jeudi 27 juin 2013, Me Ader, commissaire priseur, Paris, dispersera des manuscrits de Jules Renard:
  • Manuscrit autographe, 2 pages du JournalRarissime page du Journal, une des deux seules connues échappées à la destruction des 54 cahiers par sa veuve abusives. Lot n° 126.
  • 27 lettres de Jules Renard adressées à divers correspondants réparties en 11 lots.
Les lots sont numérotés 124 à 135 au catalogue de la vente.
ADER, Société de Ventes Volontaires
3, rue Favart 75002 Paris
Tél. : 01 53 40 77 10
Fax : 01 53 40 77 20
contact@ader-paris.fr

lundi 24 juin 2013

Journal du 24 juin 1905

Affaire du Maroc. Ça ne s’arrange pas si vite. Jaurès m'inquiète par son accent de patriotisme. S'il le faut...
Je regarde mon livret. Il me dit qu'en cas de mobilisation il faut attendre un nouvel ordre. J'attendrai. On a moins peur de la guerre à quarante ans qu'à vingt. A vingt ans, le patriotisme est imposé; à quarante, il est raisonné.
Oui, la guerre est odieuse! Oui, je veux la paix, et je lâcherais tous les Maroc pour vivre en paix.
Si, tout de même, les Allemands prenaient cette soif de paix pour de la peur, s'ils s'imaginaient qu'ils vont nous avaler, d'une bouchée, ah! non.
Au fond, je tiens plus à la paix qu'à la vie.
On marcherait, et bien, je vous jure!

dimanche 23 juin 2013

Journal du 23 juin 1902

Blum, nerveux, vibrant comme une tige d'acier, encore ébranlé par les images qui lui reviennent de l'accouchement de sa femme.
Très admirateur de l'intelligence de Retz, il le trouve moins grand écrivain que Saint-Simon;  me dit que Jaurès passera cette législature à poser nettement la question d'Alsace-Lorraine. Habituer la Chambre et le pays à entendre des paroles qui ne sonnent pas faux, voilà le programme.
Blum fait trois actes sur la Colère. Coolus m'a dit que son héros ne parle pas comme un homme en colère, qu'il ne jure pas assez. Mais, le meilleur moyen de faire du théâtre original, c'est d'en faire qui  ne soit pas trop "théâtre".

samedi 22 juin 2013

Journal, un jour de juin 1888

Le goût. Qu'on trouve chez un artiste les communes et grosses poteries à fleurs des paysans, on s’émerveille.

vendredi 21 juin 2013

Journal du 21 juin 1899

Cyrano qui a la langue encore plus longue que le nez

jeudi 20 juin 2013

Journal du 20 juin 1893

Heureux dans un coin pas plus grand qu'une étoile.

mercredi 19 juin 2013

Journal du 19 juin 1901

Toujours prodigieusement rasé. Il préférait le grand curé Gouré, au petit curé Beauchef. Il disait des calembours à Gouré, qui ne s'en fâchait pas.
Il a un puits, un puits de crapaud, comme on dit, qui déborde au moindre orage et est tout de suite tari. 
Il dit de temps en temps:" C'est la vérité, ça!" indiquant qu'il ne répond pas du reste et qu'on ne le croit que si on veut.
Ses mains, des mottes de terre qui produisent des poils.
Il ne faut pas mettre trop tôt les bœufs au pré. Ils s'y nourrissent, mais, quand vient le moment qu'ils s'engraissent, il n'y a plus d'herbe. Pas beaucoup de foin, cette année. Il n'y aura pas de paille et il faudra faire trop tôt manger le foin aux bêtes.
Les gens sont aussi malheureux que les bêtes à cornes.
Les petits pois se couchent de soif au pied des rames.

mardi 18 juin 2013

Journal du 18 juin 1894

Les fils télégraphiques rayaient la lune, comme une lune à Musique, au moment précis où, attendri, j'avais envie de chanter quelque chanson qui me serait venue au cœur.

lundi 17 juin 2013

Journal du 17 juin 1905

A un vieillard qui se sentait mourir je demandais d'un petit air gai: " Ça va bien?"
-Pas trop bien, me répondit-il.

dimanche 16 juin 2013

Journal du 16 juin 1891

Dirait-on pas qu'on est obligé de faire un roman comme ses vingt-huit jours!

samedi 15 juin 2013

Journal du 15 juin 1897

L'homme, cette taupe de l'atmosphère.

vendredi 14 juin 2013

Journal du 14 juin 1889

Avons-nous une destinée; sommes-nous libres? Quel ennui de ne pas savoir! quels ennuis si l'on savait!

jeudi 13 juin 2013

Journal du 13 juin 1906

Il y en a, je crois, qui ne m'apprécient pas à ma valeur, mais d'autres me croient beaucoup plus malin que je ne le suis.

Actualité littéraire

Vient de paraître:
Fernand Gregh,  Mon amitié avec Marcel Proust, souvenirs et lettres inédites, 159 p. Grasset, imprimé par la Nouvelle Imprimerie Laballery en avril 2013.
" Du jour où je l'ai connu jusqu'à celui de sa mort prématurée, j'ai été l'ami de Marcel Proust. Dans notre première jeunesse, lui demeurent boulevard Malesherbes, moi boulevard Haussmann , nous nous sommes vus souvent deux fois par jour. Ensuite la vie nous fit espacer nos relations sans jamais les interrompre. Et j'étais, la nuit, de sa mort, devant son corps à peine refroidi, à côté de son cher Reynaldo Hahn..."

mercredi 12 juin 2013

Journal du 12 juin 1897

La tristesse de ce moulin inhabité! L'écriteau que, d'abord, de la route, on essayait de lire, et que plus personne ne lit! Les portes fermées, l'herbe qui pousse dans la cour, plus de pigeons sur le toit. Mais, venue la nuit, la rivière fait du bruit: c'est la roue du moulin qui se met à tourner toute seule, au clair de lune.

Actualité littéraire

Les Enthoven et Proust
Le 29 août prochain, chez Plon, Jean-Paul Enthoven et son philosophe de fils, Raphaël, publieront ensemble un Dictionnaire amoureux de Proust. D' "A" comme Agonie à "Z" comme Zinedine de Guermantes, de "Kabbale" à "asperge", de "datura" à "rhinogoménol", ils ont choisi de sortir des sentiers battus balisés du proustisme pour mettre en avant des "bizarreries", des "curiosa" inédites. Une démarche qui se veut aussi savante que divertissante.
(Le Figaro littéraire, jeudi 6 juin 2013, p. 3.)

mardi 11 juin 2013

Journal du 11 juin 1901

La vache. On lui a enlevé son veau, ce soir, pour le donner à Raymond qui l'élèvera. Que va faire cette bonne mère que ne se lassait pas de lécher son petit tout gluant, plutôt par gourmandise, sans doute, que par maternité?
Quand elle rentre à l'écurie, j'attends presque une crise. Elle flaire la paille où le veau était couché et meugle doucement. Elle mange un peu de paille, qui a l'odeur du veau.
Mais la porte du râtelier s'ouvre. Bien qu'elle sorte du pré, elle mange avec avidité le foin que lui donne Philippe. Elle appelle encore le veau, mais elle se laisse traire par Ragotte. On lui donne du pain, qu'elle avale.
Dans deux jours, elle ne se rappellera de rien. Ses sentiments de mère, si profonds en apparence, auront disparu. 
On entend déjà plus rien.

lundi 10 juin 2013

Journal du 10 juin 1905

Marinette s'accoude à la rampe du petit pont..
- Oh! le joli balcon! dit-elle.
Par le ruisseau, un flot de soleil couchant semble venir à nous. Il y a, de chaque côté de mystérieuse grottes faites de racines et de branches. Le ruisseau passe entre ces vertes demeures comme une rue dans un village.

Actualité littéraire

Une bière glacée
Henri Raczymow vient d'inventer un genre littéraire: l'essai hyperdocumenté qui ne le montre pas. la monographie pointue écrite de chic. L'essai littéraire mégaprécis balancé à la cool.
Le document supersérieux livré comme une impro. C'est qu'il a fallu tout lire, tout étudier, pour obtenir cette synthèse - au style superbement paresseux - sur les derniers jours de Marcel Proust. Aucune note de bas de page vient parasiter le récit. [...] Les souvenirs sont là, inscrits pour toujours. Proust va nous laisser seuls avec eux. Sans toucher à sa bière glacée, il est parti retrouver le Temps.
Notre cher Marcel est mort ce soir, Henri Raczymow, Denoël, 115 p., 14, 50 €.
Achevé d'imprimer par la Nouvelle Imprimerie Laballery à Clamecy le 26 mars 2013.
(Yann Moix, Le Figaro littéraire, jeudi 6 juin 2013, p. 1.)

dimanche 9 juin 2013

Journal du 9 juin 1893

C'est gentil, cette nuque découverte des femmes. Quelques-unes ont même de petits poils dessus.

samedi 8 juin 2013

Journal du 8 juin 1904

Maman redevient une petite fille. Elle aime qu'on la gronde, et elle gémit, d'une voix d'enfant qui parle à peine.

vendredi 7 juin 2013

Journal du 7 juin 1902

Tristan admire l'intelligence de Schwob. Lui, intelligent, est-ce bien sûr?
Le talent de Schwob, c'est une mixture de vins, ce n'est pas un vin. Je me moque de cette intelligence. Tous ses contes, il les a empruntés.
Il a traduit Hamlet et Francesca de Rimini. Il a un style de traducteur exact.
Pas d'esprit. La préoccupation de savoir des choses que personne ne sait. La mauvaise humeur d'un artiste qui n'a jamais rien trouvé tout seul. Une affectation à ne lire que le livre qui est sale et vieux. 
Une âme et un esprit de vieille femme. 
Un homme à vous dire:" Êtes-vous content d'avoir sur moi la supériorité de m'avoir prêté cent sous?"
Il me ferait regretter de n'avoir pas été antisémite.

jeudi 6 juin 2013

Journal du 6 juin 1908

À Chaumot.
- Et vos choux, Philippe?
- Oh! ce n'est pas une année de choux.
- Pourquoi?
- Les pucerons et les boeufs les ont mangés.
- On fait la chasse aux bœufs et aux pucerons.
- Ils reviennent. Ce n'est pas une année de choux. Personne n'en a.
- Arrosez!
- Quand on a arrosé une fois, il faut continuer. On n'en finirait pas.
- Qu'est-ce qu'à donc la vache?
- Elle breuille.
- J'entends bien. Mais pourquoi?
- Elle s'ennuie. J'ai vendu son veau hier.
- Que de chenilles, Philippe!
- Jamais je n'en ai tant vu.
- Vous les épargnez pour les oiseaux?
- Ma foi, j'ai souvent vu deux oiseaux entrer là et en sortir. Je n'ai pas encore pu trouver leur nid.
- Ils vont se régaler de vos chenilles. Regardez donc! Votre clou a fait éclater le plâtre.
- Ce n'est rien. Nous, nous le voyons parce que nous le savons, mais ceux qui ne sont pas prévenus...
- Y aura-t-il des prunes cette année?
- Il y aura bien des fleurs, mais je n'ai pas regardé si elles ont donné du fruit.

mercredi 5 juin 2013

Journal du 5 juin 1909

Si la chasteté n'est pas une vertu, c'est sûrement une force.

mardi 4 juin 2013

Journal du 4 juin 1898

Chez Capus, à Blois. À chaque croisement de route, il lâche les guides de sa petite jument blanche, Bichette. Elle prend la route de l'écurie. Brusquement, il lui donne une première désillusion.
- Je n'aime pas les paysages qui me dominent, dit-il.
Il a gagné près de 100.000 francs cette année, et ne sait ce qu'ils sont devenus. Il a besoin d'avoir autour de lui des gens dont la vie dépend de la sienne.
- Dans une pièce de théâtre, dit-il, rien de plus inutile qu'une phrase bien faite.
Il n'admire Victor Hugo que comme un professionnel qui n'a jamais hésité devant le mot à trouver.

lundi 3 juin 2013

Journal du 3 juin 1907

M. Roy, mon instituteur, n'a jamais eu de récompenses. Toujours en retard (ce n'est même pas par injustice: c'est la faute des circonstances) pour passer d'une classe à une autre. Il n'a obtenu qu'une lettre de félicitations, grâce à moi. Il ne sait pas qu'être officier d'Académie et avoir les palmes c'est la même chose. Je le fais rougir en lui disant que je lui ferai obtenir les palmes dès que ses chefs lui auront fait obtenir les récompenses qui précèdent: médaille de bronze, je crois.
Sa modestie fait honte à la mienne. Je lui dis trop: "Je déjeunais l'autre jour avec Barthou... Je causais avec Barthou..."
Très sincèrement peiné par l'attitude des jeunes fonctionnaires qui ne savent pas rester dans leur rôle.

dimanche 2 juin 2013

Journal du 2 juin 1890

J'ai bâti de si beaux châteaux que les ruines m'en suffiraient.

samedi 1 juin 2013

Journal du 1er juin 195

Pauvres gens! Il faut savoir les prendre comme des gamins, les pucer de leurs petits mensonges et de leurs hypocrisies, moucher leur nez qui pleure sans savoir pourquoi, et fermer d'une caresse leur bouche qui veut mordre, leur dire: " Parlez! Expliquez-vous!"