À notre questionnaire [du Figaro], M. Jules Renard répond :
Cher monsieur,
Au théâtre, le public (le public, c’est moi) accepte tout, sauf l’ennui.
Je dirais à chaque auteur dramatique « Je sais rire et pleurer, me
passionner et même écouter; donne-moi donc ce que tu voudras, mais ne
m’embête pas voilà mon goût.»
Si la comédie dramatique est moribonde, Paul Hervieu, pour ne citer que Paul Hervieu, en vit joliment bien.
Quant au mélodrame, il n’attend peut-être que son Cyrano. Que Rostand
écrive le chef-d’œuvre du drame en prose, avec toutes ses horreurs, et
ce sera le genre neuf.
J’ai ri comme un fou à des vaudevilles dont, par ingratitude, je ne me
rappelle plus les titres. Je ne déteste dans le vaudeville que la scène
de comédie, vous savez, la scène où l’auteur semble dire Ah! ils veulent
de la comédie! Vaudevillistes, restez-le, c’est votre salut.
Dans les auteurs morts ayant eu un prix dans votre enquête, je voudrais,
si c’est permis, donner le mien à Labiche. Je ne préfère pas Labiche à
Victor Hugo, mais je le place fort au-dessus de Becque. Je ne peux vous
dire combien Becque me déplaît.
J’ai beaucoup lu Scribe. Je me souviens du Verre d’eau d’une chaîne.
C’était très bien. Pourquoi ce mépris? Il a été le roi de son temps.
Rien ne prouve qu’il ne serait pas le roi du nôtre. Il s’appliquerait,
il apprendrait son métier, il se mettrait vite à la mode et tel auteur
en vogue n’en mènerait pas large.
Pour finir par le numéro 1 (il faut bien), Lucien Guitry vous a dit
qu’il avait reçu (il ne manquerait plus que ça) deux actes de moi. C’est
vrai, mais j’ai une telle affection pour cet homme, et une telle
admiration pour ce merveilleux artiste, que j’aime autant qu’il ne joue
jamais ma pièce. A bientôt, cher monsieur, au théâtre, chez les fous.
(Jules Renard, le Figaro, 24 septembre 1904.)
Le texte de la question posée par Le Figaro a été publié sur ce blog à la date du 6 décembre 2012. De même que cette réponse publiée également le lendemain 7 décembre.
Le texte de la question posée par Le Figaro a été publié sur ce blog à la date du 6 décembre 2012. De même que cette réponse publiée également le lendemain 7 décembre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
En publiant un commentaire sur JulesRenard.fr, vous vous engagez à rester courtois. Tout le monde peut commenter (Les commentaires sont publiés après modération).