jeudi 2 mai 2013

La bibliothèque de Jules Renard aux enchères 1/2

La vente des manuscrits et de la bibliothèque de Jules Renard évoquera dans l'esprit de ses amis fidèles quelques-uns des plus charmants souvenirs de la vie littéraire à notre époque. Elles étaient fines et nuancées les conversations avec Jules Renard au milieu de ses livres que des enchères vont disperser, et qui tous ont été touchés de sa main, fouillés page à  page de son regard, pénétrés par son esprit! 
Quand la causerie menaçait de s'égarer sur la politique, le monde, le potin du moment, le maître de la maison la ramenait sur la littérature, de son autorité tranquille et même avec une sorte de sévérité. Il avait l'air de vous dire, - je crois, d'ailleurs, que parfois il nous le disait - "Vous ne manquez pas d'endroits pour parler de ces choses. Il y a les salles de rédaction, les coulisses des théâtres, les cafés. Ici, on se réunit pour s'entretenir de littérature."
Jules Renard ne craignait pas ce mot qui est, pour les gens sérieux, synonyme de frivolité et auquel, au contraire, il savait donner tout son sens profond. La littérature, ce n'était pas seulement pour lui l'ensemble de la production littéraire. Il entendait aussi par là une discipline à l'usage des écrivains, l'étude incessante dans l’œuvre des maîtres des plus secrètes conditions de style; cette espèce d'assimilation mystique qui est un phénomène très différent de celui de l'imitation et qui rappellerait  plutôt l'obscure recherche des plantes à travers le sol, sous la conduite de l'instinct.
Suite demain.
(Alfred Capus, de l'Académie française, Le Gaulois du Dimanche, p. 3, 12 février 1921)

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