BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

mercredi 22 mai 2013

Journal du 22 mai 1897

Papa a toujours une intelligence claire et lente. Près de lui, moi, je ne sens plus la mienne très nette. j'ai toujours peur de dire une chose fausse, et de la mal dire, et il doit penser: "Qu'est-ce qu'on a donc à toujours me parler de mon fils? Je ne vois pas ce qu'il y a d'extraordinaire." Il parle bas, pour ne pas se fatiguer le poumon, et chacune de ses paroles tant ménagées fait un peu mal à celui qui l'écoute. (Reprendre les Cloportes.
Dès que maman ouvre la porte, il s'arrête. Elle entre parce qu'elle a senti qu'il allait dire quelque chose qu’elle voudrait bien savoir. Traînant sa jambe malade, elle va au placard, l'ouvre, touche la pile de linge, feint de chercher, écoute, et ne prend rien. Elle fait le tour de la table, déplace un journal. Enfin, elle trouve une tasse et l'emporte. Elle n'a rien entendu. 
Refermée sa porte, papa, qui s'était promené à petit pas, continue et achève sa phrase sur le même ton.

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