Sur Jules Renard et sur Vigny
Suite d'hier.
Il a été de son vivant, mis en musique par Maurice Ravel, été illustré par Pierre Bonnard, Henri de Toulouse-Lautrec et quelques autres, et son théâtre a été joué par Antoine, Marthe Brandès, Jeanne Chéreil, Suzanne Desprès (Mme Lugné-Poe), Firmin Gémier, Jeanne Granier, Lucien Guitry, Marthe Mellot, Henry Meyer, Cécile Sorel, et autres Signoret. De son vivant! Et cet ex-Carolingien (Ernest Raynaud était son condisciple au lycée Charlemagne où Renard, externe libre, a suivi les cours de réthorique) a connu aussi bien Jean Jaurès que Sarah Bernhardt. Le nom de tous ses interprètes, et celui de Danièle Davyle (Mme de Saint-Hilaire), la première a avoir lu des textes du futur auteur du Plaisir de rompre, ne sont assurément pas tous passés à la postérité, mais tout de même, Antoine, Desprès, Gémier, Guitry ou Sorel, cela n'en constitue pas moins une belle carte de visite.
Mais Jules Renard était né pour être aigri et il semble dans la logique des choses que son Journal soit, en bien des passages, aussi grinçant que Mes poisons de Sainte-Beuve. À ce sujet, Maurice Toesca, qui après les biographies de Jean Paulhan, George Sand, Alphonse de Lamartine, Alfred de Musset, et Alfred de Vigny, a publié chez Albin Michel un Jules Renard en 1977, écrit justement: "Dommage que Jules Renard n'ait pu prendre connaissance des Carnets de Sainte-Beuve! Il y aurait lu cette réflexion qui s'applique à tous les hommes de lettres de tous les temps: les littérateurs français font aujourd'hui avec leur esprit ce qu'autrefois les gentilshommes français faisaient avec dans les duels avec leur épée: il s'entre-tuent". Cependant ajoute Toesca, "Jules Renard n'est pas Sainte-Beuve, et c'est à son éloge: il ne blesse pas pour le plaisir de blesser; il n'y a pas de parti une fois pour toutes pris, comme Sainte-Beuve à l'endroit de Vigny par exemple". Que Maurice Toesca ne tienne pas Sainte-Beuve en très haute estime, nous le savions depuis quelques lustres déjà. Il a raison lorsqu'il déplore que Renard n'ait pas pu prendre connaissance des Poissons beuviens. Il s'en serait assurément délectés, en disciple qui s'ignorait. Je suis moins sûr que Toesca que son modèle ne blesse jamais pour le plaisir de blesser. Quitte à s'en repentir. Sainte-Beuve il est vrai ne se repentait pas du fiel qu'il dispensait[...]
(L'article se poursuit sur Vigny.)
(L'article se poursuit sur Vigny.)
(Han Ryner, Les Messages de Psychodore, n°53, novembre 1992)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
En publiant un commentaire sur JulesRenard.fr, vous vous engagez à rester courtois. Tout le monde peut commenter (Les commentaires sont publiés après modération).