BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

lundi 4 février 2013

Jules Renard et la pêche 1/3

Notre grand littérateur, qui sut décrire si finement nos paysans, nos arbres et nos animaux nivernais, adorait la pêche à la ligne au bord de l'Yonne - la Lionne des Morvandiaux - qui traversait son pays de Chitry.
Ce sont les seuls moments du reste où, tout en emmagasinant des images neuves, il se reposait de son surmenage parisien.
Ses livres sont pleins de remarques délicieuses sur le charme de sa rivière. On se souvient de sa description classique du Chasseur d'Images: "Elle blanchit aux coudes et dort sous la carcasse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d'argent, et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule."
On se rappelle aussi l'histoire triste du goujon obstiné qui veut à toutes forces se faire prendre.
Il y a aussi dans les Histoires Naturelles la scène dramatique du pêcheur et du taureau, que quelques uns de nous ont vécu et que je résume:
Le pêcheur à la ligne volante marche d'un pas léger au bord de l'Yonne et fait sautiller sa mouche verte.  Les mouches vertes, il les attrape aux troncs des peupliers polis par le frottement du bétail. Il jette sa ligne d'un coup sec et la tire avec autorité. Il s'imagine que chaque place nouvelle est la meilleure et bientôt il la quitte, enjambe un échalier et de ce pré passe dans l'autre... Mais le taureau vient de se lever pesamment... le pêcheur l'observe obliquement...mieux vaut feindre une indifférence trompeuse et lentement le pêcheur à la ligne volante, continue à pêcher et posément il gagne l'échalier d'où il pourra d'un dernier effort de ses membres rompus bondir hors du pré saint et sauf!
À côté de ces petits chefs-d’œuvre connus, il existe, dans son journal surtout, une foule de petites remarques aiguës sur le comportement des pêcheurs et des poissons, aussi j'ai pensé que leur lecture pourrait intéresser mes confrères en Saint Pierre, tant on a de plaisir à admirer son style impeccable, son ironie aiguisée et son amour pour nos belles rivières.
Suite demain.
(Docteur L. Tixier, Plaisirs de la pêche, n°12, septembre 1957)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

En publiant un commentaire sur JulesRenard.fr, vous vous engagez à rester courtois. Tout le monde peut commenter (Les commentaires sont publiés après modération).