Depuis longtemps je voulais gagner ma vie à Paris.
Ma mère s'opposait à mon départ et elle me surveillait, car j'étais capable de me sauver sans sa permission.
Chaque matin, comme je me levais avant elle, ma mère m'écoutait marcher. Si elle entendait mes sabots, elle se disait: "Il ne peut pas aller loin." Si elle entendait mes souliers, elle me disait de son lit, inquiète: "Où vas-tu, avec tes souliers? ce n'est ni jour de fête, ni jour de foire." Je répondais: "Maman, je vais à la charrue, et j'ai pris mes souliers parce que la pluie tombe et que ça patouillera dans les champs."
Et je n'osais plus partir.
Mais un matin, je suis sorti de la maison, ma paire de souliers sous le bras, en faisant beaucoup de bruit avec mes sabots.
Chaque matin, comme je me levais avant elle, ma mère m'écoutait marcher. Si elle entendait mes sabots, elle se disait: "Il ne peut pas aller loin." Si elle entendait mes souliers, elle me disait de son lit, inquiète: "Où vas-tu, avec tes souliers? ce n'est ni jour de fête, ni jour de foire." Je répondais: "Maman, je vais à la charrue, et j'ai pris mes souliers parce que la pluie tombe et que ça patouillera dans les champs."
Et je n'osais plus partir.
Mais un matin, je suis sorti de la maison, ma paire de souliers sous le bras, en faisant beaucoup de bruit avec mes sabots.
À quelque distance du village, par-dessus la haie du petit pré qui est à ma mère, j'ai jeté les sabots, comme un adieu, j'ai mis mes souliers, et j'ai continué ma route vers Paris.
Quand ma mère amena sa vache au pré, elle trouva mes sabots.
D'abord elle ne comprit pas, elle m'appela; elle revint à la maison; elle chercha mes souliers, et lasse de chercher, elle s'assit au coin de la cheminée pour pleurer tout son soûl.
(Jules Renard, Bucoliques.)
Quand ma mère amena sa vache au pré, elle trouva mes sabots.
D'abord elle ne comprit pas, elle m'appela; elle revint à la maison; elle chercha mes souliers, et lasse de chercher, elle s'assit au coin de la cheminée pour pleurer tout son soûl.
(Jules Renard, Bucoliques.)
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