Les répétitions de Poil de Carotte furent assez houleuses. Jules Renard n’était pas un
auteur de tout repos. Il savait ce qu’il voulait et il avait raison. Un jour où
j’avais été particulièrement hésitante à une répétition, où je tâtonnais trop à
son gré, il m’accompagna dans ma loge et m’entreprît sur l’interprétation du
rôle. Ma petite Desprès, ça n’est pas ça, vous êtes trop douce, trop pitoyable,
trop féminine. Il est fermé, il est
sauvage, ombrageux, c’est un petit garçon sournois, il est…je ne sais comment
vous l’expliquer…il est… » Je l’interrompis avec rudesse. Écoutez, Jules
Renard, vous manquez de patience, ce n’est pas commode, je fais de mon mieux…et
puis, zut ! je ne sais ce qu’il est, en tout cas ce n’est pas moi qui le
jouerai, le v’là ! Et je lui collai mon manuscrit dans les mains. Le
visage de Jules Renard s’éclaire : « Mais le voilà, ça y est. Vous le
tenez, je viens de le voir, il n’y a pas autre chose à faire, maintenant j’ai
confiance. Et quelques jours après je reçus chez moi un exemplaire du livre de Poil de Carotte avec cette
dédicace : « À Suzanne Desprès, en souvenir d'un jour où elle fut dans
sa loge un peu plus Poil de Carotte que je ne voulais », Jules Renard.
Au fond, lui et moi nous avions des caractères à rebrousse poil.
Au fond, lui et moi nous avions des caractères à rebrousse poil.
Signé: S.D. (Suzanne Desprès)
Note datée du 12 avril 1939 rédigée à bord du "Champlain" de la French Line.
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