Par
les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres qui sont à ma
gauche et les deux fenêtres qui sont à ma droite, je vois, j’entends d’une
oreille et de l’autre tomber immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart
d’heure après midi : autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma
plume à l’encrier, et, jouissant de la sécurité de mon emprisonnement,
intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air,
j’écris ce poème.
Ce
n’est point de la bruine qui tombe, ce n’est point une pluie languissante et
douteuse. La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et bourru,
d’une attaque puissante et profonde. Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier,
dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare ! Il n’est point à craindre
que la pluie cesse ; cela est copieux, cela est satisfaisant. Altéré, mes
frères, à qui cette très merveilleuse rasade ne suffirait pas. La terre a
disparu, la maison baigne, les arbres submergés ruissellent, le fleuve lui-même
qui termine mon horizon comme une mer paraît noyé. Le temps ne me dure pas, et,
tendant l’ouïe, non pas au déclenchement d’aucune heure, je médite le ton
innombrable et neutre du psaume.
Cependant
la pluie vers la fin du jour s’interrompt, et tandis que la nue accumulée
prépare un plus sombre assaut, telle qu’Iris du sommet du ciel fondait tout
droit au cœur des batailles, une noire araignée s’arrête, la tête en bas et
suspendue par le derrière au milieu de la fenêtre que j’ai ouverte sur les
feuillages et le Nord couleur de brou. Il ne fait plus clair, voici qu’il faut
allumer. Je fais aux tempêtes la libation de cette goutte d’encre.
(Paul Claudel, Connaissance de l'est, Larousse, 1920.)
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