-Et le supplice d’être enfermé, le
connaissez-vous ? Libre, vous vivez sainement dehors. Vous prenez de
l’exercice, vous faites de l’hygiène sans le savoir. S’il vous fallait demeurer
immobile à la maison, trois, quatre, cinq heures de suite, les coudes sur un
bureau chargé de livres, vous en auriez vite assez.
-je crois comme vous, dit Philippe, que cette
vie ne me plairait guère.
-Et vous raisonnez juste, brave Philippe.
Oh ! je ne demande à personne de me plaindre ! je veux dire que nous
avons chacun nos misères, vous les vôtres et moi les miennes.
-Ce n’est pas la même chose.
-Pourquoi, Philippe, pourquoi ? Vous qui
hochez la tête et qui avez le double de mon âge, voulez-vous compter nos
cheveux blancs ?
-J’aimerais mieux compter nos billets de
banque.
-Mais, mon pauvre Philippe, je me tue à vous
expliquer que si j’étais riche comme la dame du château, je travaillerais quand
même et qu’on ne travaille pas que pour gagner de l’argent.
-C’est ce que je dis, rien ne vous force à
travailler ; votre travail vous désennuie.
-Vous êtes vraiment têtu aujourd’hui. Tout à
l’heure, vous aviez l’air de me comprendre. Vous ne me comprenez donc
plus ?
-Si, si, Monsieur, dit Philippe. Mais, c’est
égal, je changerais bien.
(Jules Renard, Les Philippe)
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