Philippe! Philippe! il n'y a que le travail qui rende heureux.
- Oui, monsieur, dit Philippe qui bêche le
jardin. Comme on le crie parfois : Honneur aux travailleurs !
- Certes, vous travaillez, Philippe, mais moi aussi je travaille.
- Vous travaillez, dit-il respectueux, en vous
amusant.
- Détrompez-vous, Philippe, j’ai mes tracas,
mes devoirs, comme tout le monde. Je travaille par nécessité. Quand il fait
soleil, je préférerais me promener. Je fatigue beaucoup de tête.
- Sûrement, dit Philippe, vous fatiguez plus
de tête que moi. Je ne fatigue que de corps.
- Pensez-vous, Philippe, que si la tête va
mal, le reste du corps n’en souffre pas ? Le soir, dès que le feu de la
lampe me brûle le front et les yeux, je me retiens d’aller me coucher.
- Vous n’y allez pas, dit Philippe, parce que
vous ne voulez pas.
- Erreur, Philippe. Il faut que je veille,
parce que je ne suis pas matinal, et je tâche de rattraper les heures perdues.
- Restez donc au lit, vous avez le temps de
dormir.
- Du tout, du tout, et je donnerai gros pour
avoir le courage de me lever matin. Je vous envie, vous êtes sur vos jambes au
premier rayon de soleil et cela ne vous fait jamais de peine.
- Nous avons l’habitude, dit Philippe. L’hiver
seulement,
c’est moins agréable.
- C’est toujours dur pour moi. A midi, ce
serait encore trop dur. Vous ne connaissez pas ce supplice ?
- Non, monsieur.
(Jules Renard, Les Philippe)
(Jules Renard, Les Philippe)
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