Tel est pourtant le cas de Jules Renard: il se moque de Zola et de sa manie du document, mais il reconnait cependant que l'écrivain doit rechercher la vérité. Or cette vérité, c'est précisément la description exacte de l'apparence sensible et psychologique telle qu'elle se présente à un observateur supposé impartial. Ainsi, pour Renard comme pour les naturalistes, la réalité c'est l'apparence, telle que la science positiviste l'a organisée, filtrée, triée, et ce fameux "réalisme" à quoi il adhère est un compte-rendu pur et simple du phénomène comme tel.
Mais, dans ce cas, de quoi peut-on écrire?
L'analyse des grands types psychologiques ou sociaux n'est plus à faire: que dire de neuf sur le financier, le mineur, la femme galante? Zola est passé par là. L'étude des sentiments généraux est épuisée. Reste le détail, l'individuel, ce que les aînés de Jules Renard ont négligé, précisément parce que leur ambition visait plus haut. Renard écrit, le 17 janvier 1889:
"Mettre en tête du livre: je n'ai pas vu des types mais des individus. Le savant généralise, l'artiste individualise."
A suivre.(Jean-Paul Sartre, l'homme ligoté, Situations I, Gallimard, 1947)
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