L'art de Jules Renard
Suite d'hier.
L'originalité de sa poésie, je crois qu'elle vient de ce que cet homme a gardé vis-à-vis des gens et des choses, et par un rare privilège, la sensibilité et la tournure d'esprit des enfants. Il a leurs mots étonnants et leurs épithètes géniales. C'est ce qui fait qu'on sourit souvent en l'admirant, et ce sourire empêche certains de voir Renard aussi grand qu'il est. Il est grand non à la manière de ceux qui s’essoufflent pour atteindre le surhumain, il est grand par le don qu'il a de ressembler aux touts petits.
Tous les propos de Pierre, de Berthe, qui sont bien authentiques, qui n'ont pas été inventés par l'auteur des Bucoliques, et qui sont des propos typiques d'enfants, ne diffèrent pas essentiellement d'une page de Jules Renard prise au hasard. Quand il dit que le faux "a brusquement le hoquet sur un caillou", ou d'un canard "qu'il portait son bec comme une large barbe, au milieu du visage", ou de la pie: "en habit du matin au soir", ou du fruit du rosier sauvage qu'il se défend contre l'hiver et mourra le dernier " parce qu'il a un nom rébarbatif et du poil plein le cœur", est-ce que ce n'est pas exactement la même langue savoureuse que celle de la petite Berthe, disant à sa maman: "Veux-tu que je prenne avec mes doigts, par la peau du cou, un pruneau cuit?", ou répondant au reproche de laisser tomber par terre les petits pois qu'elle écosse:
- Ce n'est pas ma faute. Quand j'ouvre leur petite cabine, ils sautent de joie.
Et lorsqu'il rend sensible, jusqu'à nous faire frissonner et sans recourir à aucune des joliesses ordinaires, la conversation qui s’éteint avec la lumière du jour: "La nuit, profitant de ce qu'on bavardait, s'est glissée, entre nous comme une chatte, et nos voix, comme des rats peureux, restent dans leur cachette de silence", ceci n'est-il pas presque d'un enfant, et n'est-ce pas d'un grand poète?
Fin.
(René Boylesve, Les Annales politiques et littéraires, 29 mai 1910)
- Ce n'est pas ma faute. Quand j'ouvre leur petite cabine, ils sautent de joie.
Et lorsqu'il rend sensible, jusqu'à nous faire frissonner et sans recourir à aucune des joliesses ordinaires, la conversation qui s’éteint avec la lumière du jour: "La nuit, profitant de ce qu'on bavardait, s'est glissée, entre nous comme une chatte, et nos voix, comme des rats peureux, restent dans leur cachette de silence", ceci n'est-il pas presque d'un enfant, et n'est-ce pas d'un grand poète?
Fin.
(René Boylesve, Les Annales politiques et littéraires, 29 mai 1910)
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