Un ami de Jules Renard, par ailleurs Secrétaire général de la Société des amis de Paul-Louis Courier et linguiste émérite, communique:
(Après un coup dur, on pense à rebondir, pourtant la vie n’est pas une balle de mousse, rappelle J.-P. Lautman, de Saint-Avertin (Indre-et-Loire). Qu'on échoue à un examen et il faut… « rebondir ».)
(Après un coup dur, on pense à rebondir, pourtant la vie n’est pas une balle de mousse, rappelle J.-P. Lautman, de Saint-Avertin (Indre-et-Loire). Qu'on échoue à un examen et il faut… « rebondir ».)
"De plus en plus souvent, on entend sur les ondes ou on lit dans la presse qu'après un moment difficile, telle ou telle personne a « rebondi » ou va « rebondir ». Dernièrement, ce verbe a été appliqué à Ségolène Royal après son échec électoral. Une langue évolue, raison pour laquelle je ne suis pas crispé sur l'usage de tel ou tel de nos mots ; toutefois, je regrette que certains soient employés de manière contestable. Qu'une balle de mousse, une pierre, une carriole… rebondissent, quoi de plus naturel ? Mais une personne ?
Quand Jules Renard, maître de la syntaxe, écrit « Poil de Carotte se cogne au mur et rebondit. » il n'y a rien à redire, on comprend qu'il s'agit d'une action matérielle. Mais, me rétorquera-t-on, il s'agit d'une utilisation métaphorique ou plutôt figurée. On exprimera alors avec ce verbe une idée comme « reprendre de la vigueur, réagir, remonter ». Réponse peu convaincante. On passerait du temps à épingler semblables tropes (*) ou expressions discutables qui envahissent notre langue, la langue qui, ne l'oublions pas, fut celle de l'Europe au XVIIIe siècle et même une bonne partie du XIXe siècle.
Aujourd'hui, elle se nourrit d'approximations comme le papillon du nectar des fleurs à ceci près que ce nectar est plutôt empoisonné. Puis-je conclure en disant que je bondis et rebondis chaque fois que je lis ou entends pareille utilisation répétée à l'infini sans que le locuteur ne se pose la question de savoir s'il a ou non raison de le faire ?"
Jean-Pierre Lautman, La Nouvelle République, lundi 9 juillet 2012)
(*) NDLR : figure de rhétorique par laquelle un mot est détourné de son sens propre.
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