BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

jeudi 19 juillet 2012

L'homme ligoté

Suite du 11 juillet.
Mais il arrive alors que Renard inverse curieusement l'ordre de l'expression: sa fin première étant le silence, c'est pour se taire qu'il recherche la phrase, goutte instantanée de silence, et c'est pour la phrase qu'il recherche l'idée:
"Comme c'est vain, une idée: sans la phrase, j'irais me coucher."
C'est qu'il croit naïvement que l'idée se circonscrit dans une phrase qui l'exprime. La phrase, entre les deux points qui la bornent,  lui semble le corps naturel de l'idée. Il ne lui est jamais venu à l'esprit qu'une idée peut prendre corps dans un chapitre, dans un volume, qu'elle peut aussi - au sens ou Brunschvicg parle de "l'idée critique" - être inexprimable et représenter seulement une méthode pour envisager certains problèmes, c'est-à-dire une règle du discours.
À suivre.
(Jean-Paul Sartre, Situations I, Gallimard, 1947)

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