BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

dimanche 24 juin 2012

L'homme ligoté

Suite du blog du 11 juin.
Il pensa que la brièveté dans le discours offrait l'image la plus rapprochée du silence et que la phrase la plus silencieuse était celle qui réalisait la plus grande économie. Il a cru toute sa vie que le style était l'art de faire court. Et sans doute est-il vrai que l'expression la plus concise est ordinairement la meilleure. Encore faut-il entendre: relativement à l'idée qu'on exprime. Ainsi certaines longues phrases de Descartes ou de Proust sont-elles fort courtes, parce qu'on ne pouvait pas dire en moins de mots ce qu'elles disent. 
Mais Renard ne se contentait pas de cette concision relative qui soumet la phrase au sens. Il voulait la concision absolue: il se donnait avant l'idée le nombre de mots qui devaient l'exprimer. L'unique problème qui l'a préoccupé, c'est celui que Janet appelle le problème du panier et qu'il formule en ces termes: " Comment faire tenir le plus de briques dans un même panier?" 
Renard prétend s'être dégoûté de la poésie parce que, dit-il, "un vers, c'est déjà trop long". Dans les romans, ce qui l'intéresse, ce sont les "curiosités du style". Et certes c'est là qu'il faut chercher le moins: car, dans un roman, le style s'efface. Mais Renard n'aimait pas les romans. 
 À suivre.
(Jean-Paul Sartre, Situations I, Gallimard, 1947)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

En publiant un commentaire sur JulesRenard.fr, vous vous engagez à rester courtois. Tout le monde peut commenter (Les commentaires sont publiés après modération).