BLOG AMOUREUX DE JULES RENARD

vendredi 29 juin 2012

Journal du 29 juin 1908

Le beau matin. Levé ce matin à 4 h 1/2. Une névralgie faciale m'empêchait de dormir. Voici exactement ce que j'ai noté.
D'abord, par crainte du ridicule, je dis à Marinette que j'allais au cabinet.
Le soleil: un point. Le coq enroué. Le petit lapin. Ceux qui se lèvent.
Pris de bâillement, je faisais à la nature de grandes bouches rondes comme le trou du petit lapin.  De sorte qu'à huit heures j'étais au lit, comme toujours.
Les nuages se dressent en cercle comme des caniches blancs démesurés.
Se lever matin, oui, c'est assez drôle, une fois, si ce matin-là on se recouche. 
J'ai positivement vu s'ouvrir les lèvres d'un lis où perlait la sueur.
Ma fenêtre déjà ouverte! Philippe va croire aux voleurs.
Léger froid aux pieds. Nuage accroché au clocher. Déjà les chevaux et les boeufs mangent.
La pie dans le pré, le loriot, le coucou. Pendant la nuit, ils sont redevenus plus familiers. Ils croyaient l'homme disparu.
Le bouillon blanc a brûlé toute la nuit et ne s'éteint pas. Feuilles fripées.
De son temps, au XVIIIe siècle, Rousseau, je ne dis pas. Aujourd'hui, le soleil ne se lève plus comme ça.

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