lundi 14 mai 2012

Portrait graphologique 1/3

Depuis le mois de décembre 1912, Édouard de Rougemont publiait des portraits graphologiques dans le Mercure de France. En décembre 1913, il fit le portrait de Jules Renard.
L'écriture de Jules Renard donne de son caractère une impression éminemment sympathique dès le premier abord. Elle l'évoque cordial, aimable, et, s'il n'est plus gêné par sa timidité parfois excessive, il se montre d'une humeur charmante, gai, séduisant, spirituel, facétieux.
C'est avant tout un sensitif; tout retentit, d'une façon presque douloureuse, mais sans rien de malsain, sur ses nerfs affinés. Sa santé n'était sans doute pas très robuste; ce devait être un homme délicat, obligé à mille précaution; mais capable de montrer malgré cela une grande activité. Il a besoin de se dépenser et, au lieu de s'attarder à de moroses réflexions sur lui-même, il est au contraire tout occupé du monde extérieur. 
Observateur minutieux, attentif, prompt à saisir le reflet bigarré d'un insecte qui passe, l'arôme évanescent d'une fleur que la tiédeur de l'air exalte, ces mille choses de la nature qui pénètrent d'une si profonde et captivante ivresse ceux qui savent écouter, sentir, voir, respirer, sans autre souci que de se laisser pénétrer par les sensations.
Jules Renard ne saurait garder pour lui seul tous ces émois. Il éprouve un besoin impérieux de les dire. Sa confiance naturelle, sa tendresse et son besoin de sympathie l'incitent à faire part aux autres de ses sentiments, sans nulle arrière-pensée de vanité et aussi simplement que la fleur  épand son parfum. 
Suite demain.
(Mercure de France, 1er novembre 1913).

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